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Le nouveau canal de Panama redistribue les cartes du transport mondial

L’élargissement de la voie va dynamiser le commerce entre l’est des Etats-Unis et l’Asie. Un événement considérable célébré ce dimanche en grande pompe

Les travaux du canal de Panama – élargissement, approfondissement et nouveaux équipements – ont duré 9 ans. (Reuters) — © CARLOS JASSO
Les travaux du canal de Panama – élargissement, approfondissement et nouveaux équipements – ont duré 9 ans. (Reuters) — © CARLOS JASSO

A l’âge de 102 ans, le canal de Panama s’apprête à retrouver une seconde jeunesse, qu’il célébrera ce dimanche en grande pompe. Elargi, approfondi et doté de nouveaux équipements, il va reprendre toute sa place sur l’échiquier du commerce international en pouvant accueillir à nouveau la quasi-totalité de la flotte civile mondiale. Et tout particulièrement les «Post-Panamax», des géants capables de transporter jusqu’à 14 000 conteneurs de type TEU (20 pieds de long).

L’Autorité du canal de Panama se devait de réagir si elle voulait maintenir la compétitivité de ses installations. Pour réduire leurs coûts, les milieux maritimes recourent de plus en plus au gigantisme. Que ce soit dans le secteur des croisières, qui utilise aujourd’hui des paquebots de plus de 350 mètres, ou dans le domaine des marchandises, avec la multiplication des navires capables de transporter bien davantage que les 4000 conteneurs «traditionnels». Ignorer une telle lame de fond aurait condamné le passage à la marginalisation.

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Les travaux d’agrandissement ont débuté en 2007. Ils ont consisté notamment à approfondir et à élargir plusieurs tronçons du canal; à aménager une nouvelle voie d’accès à l’océan Pacifique; à élever de 45 centimètres le niveau du lac Gatun, situé sur la partie orientale du passage; et à construire de nouvelles écluses, capables de conduire des Post-Panamax à 26 mètres au-dessus du niveau de la mer.

Hausse du trafic attendue

Le chantier achevé, le trafic promet d’augmenter ces prochains mois. Le canal de Panama possède en effet un avantage sur son principal concurrent, le canal de Suez: il raccourcit de cinq jours le trajet entre l’Asie et la côte est des Etats-Unis, un gain de temps qui représente des économies considérables et conduira de nombreux armateurs à lui accorder leur préférence. Il sera aussi plus avantageux que les «ponts terrestres» utilisés pour traverser l’Amérique du Nord, telle la diagonale ferroviaire Seattle-New York, une solution plus rapide mais plus chère en raison, tout particulièrement, des transbordements qu’elle suppose.

Cette réorientation massive du trafic maritime profite à de nombreux acteurs économiques. A commencer bien évidemment par l’Etat panaméen. «Les Post-Panamax représentent environ 25% de la flotte mondiale, explique Michèle Labrut, correspondante pour l’Amérique latine de la revue maritime britannique Seatrade. En acquérant la capacité de les accueillir, le canal se met en position d’augmenter son transit annuel de 340 à 600 millions de tonnes. Ce qui devrait lui permettre de doubler ses revenus en quelques années.»

Redistribution des échanges

Mais le Panama ne sera pas seul à profiter de ces circonstances. Certains ports de la côte Est des Etats-Unis comme New York, Baltimore, Savannah et Miami se préparent à un afflux sans précédent d’énormes porte-conteneurs. A l’opposé des villes californiennes de Los Angeles et de Long Beach, qui ont beaucoup profité par le passé du transbordement de marchandises de la mer au rail (ou à la route) et risquent de connaître à terme une baisse substantielle de trafic.

Parallèlement, des secteurs entiers de l’économie régionale devraient en bénéficier. Pour ne prendre qu’un exemple, les gigantesques méthaniers qui transportent le gaz et le pétrole liquéfiés du golfe du Mexique vont être pour la première fois en mesure de passer le canal de Panama et donc de gagner rapidement le marché asiatique: une aubaine pour les producteurs d’hydrocarbures américains et vénézuéliens.

Coûts des transports réduits

Et c’est sans compter les effets globaux de l’événement. «Il y a aujourd’hui deux bonnes raisons de se réjouir, commente Christian Buchet, directeur du Centre d’étude de la mer de l’Institut catholique de Paris. L’élargissement du canal de Panama aura un impact environnemental positif en raccourcissant les trajets empruntés par de nombreux navires. Et il devrait favoriser une baisse des prix, et donc une hausse de la consommation, en réduisant le coût des transports entre certains des principaux centres de l’économie mondiale. Un développement particulièrement bienvenu en ces temps de crise prolongée.»