«It’s a girl!» s’exclame Wired. Mais «une naissance peut en cacher une autre», écrit joliment Le Monde. On ne sait pas quel jour exactement est né la petite fille que le couple enlacé regarde avec tendresse, emmaillotée dans sa petite couverture (rose, donc). Mais quoi qu’il en soit, c’est déjà une héroïne, Maxima! D’ailleurs, Wired parle de «new little lady», ce qui en fait déjà une «petite grande» dame. La com est parfaite. Pas un faux pas, ni faute de goût. Ni prétention? Les avis sont partagés.

Reprenons le concert. Dans leur «Lettre à notre fille Max» mise en ligne sur Facebook, le couple formé par le patron et fondateur du réseau, Mark Zuckerberg, et son épouse, Priscilla Chan, annoncent donc le lancement de leur fondation caritative, la Chan Zuckerberg Initiative. Avant que les Américains se réveillent, elle compte déjà près de 900 000 «like» et 150 partages, cette fondation bien dotée: «Nous léguerons 99% de nos actions Facebook, représentant actuellement une valeur de 45 milliards de dollars, au cours de nos vies pour faire avancer cette mission», écrivent-ils dans ce long texte en forme de manifeste pour l’avenir:

«Alors que tu marques le début de la prochaine génération de la famille Chan-Zuckerberg, nous lançons également la Chan Zuckerberg Initiative pour rassembler des gens du monde entier afin d’avancer et de promouvoir l’égalité pour les enfants de la prochaine génération», poursuivent-ils. «Je resterai PDG de Facebook pour encore de nombreuses, nombreuses années, mais ces problèmes sont trop importants pour les laisser attendre jusqu’à ce que toi ou nous soyons plus âgés», précise Mark Zuckerberg.

Septième homme le plus riche du monde, avec une fortune estimée en temps réel à 46,8 milliards de dollars par le magazine Forbes, ce dernier «donnera ou redirigera pratiquement toutes ses actions ou les recettes après impôts provenant de la vente d’actions», écrit Facebook dans un communiqué envoyé au gendarme boursier américain, la SEC. Zuckerberg «compte conserver sa position de vote majoritaire dans un avenir prévisible», souligne la compagnie. Son projet est présenté et analysé en détail dans le Daily Telegraph.

En ce qui concerne les buts de sa fondation philanthropique? «Nous nous concentrerons dans un premier temps sur l’apprentissage personnalisé, l’éradication des maladies, […] la construction de sociétés fortes», reprend le couple. Et surtout, sur ce qui forme le corps de métier de FB: la connexion des gens entre eux. «Pour 10 personnes qui ont accès à Internet, une personne sort de la pauvreté et un nouvel emploi est créé, affirme-t-il. Pourtant, encore plus de la moitié de la population mondiale – plus de 4 milliards de personnes – n’a pas accès à Internet.»

Ce vocabulaire, fait cependant remarquer le Guardian, ne plaît pas à tout le monde, et surtout pas aux tenants de la théorie: «L’argent, c’est sale.» On peut d’ailleurs supposer, sans prendre trop de risques, que les commentaires critiques soient tout bonnement supprimés sur FB. Certains qualifient ces «plus de 2000 mots» de «déclarations emphatiques sur l’état du monde». Sur Twitter, notamment, ils parlent de «charité inventée par un personnage de sitcom» et d’étalage de fortune qui ridiculiseront les prochains qui annonceront la naissance d’un enfant sur leur page FB:

Loin de ces critiques, «c’est une petite contribution comparée à toutes les ressources et aux talents de ceux qui travaillent déjà sur ces questions. Mais nous voulons faire ce que nous pouvons, en travaillant aux côtés de beaucoup d’autres», disent Mark et Priscilla. Leurs intentions s’expriment aussi dans une vidéo, notamment mise en ligne par The Verge.

Le premier, qui avait déjà fait un symbole de son congé paternité, l’avait confié: «Quand j’étais enfant, Bill Gates était mon héros.» Avec cette annonce, il semble vouloir suivre l’élan caritatif du fondateur de Microsoft et de son épouse Melinda, qui ont lancé en 1994 la Fondation Bill & Melinda Gates, laquelle s’investit dans la santé et le développement dans les pays pauvres, et dans l’éducation aux Etats-Unis.

Un rapide calcul permet de déduire de cet acte de générosité que le couple Chan-Zuckerberg, sans toucher à son 1% de capital restant, devrait encore bénéficier d’un revenu sur la fortune d’environ 900 000 dollars par an (avant impôts), soit 75 000 par mois. Ça va.

L’argent promis à la Chan Zuckerberg Initiative sera d’ailleurs versé petit à petit. Ainsi, le PDG de Facebook ne se délestera pas de plus de 1 milliard de dollars par an au cours des trois prochaines années, a indiqué le groupe dans un communiqué séparé.

Subsiste en revanche une question qui fâche, fait remarquer Le Monde: «Le PDG n’a pas indiqué s’il envisageait de revoir la façon dont Facebook paie ses impôts pour réduire les inégalités dans le monde. Depuis plusieurs années, le réseau social fait en effet l’objet de vives critiques, avec d’autres géants de la Silicon Valley, sur ses pratiques d’optimisation fiscale, autant de recettes qui échappent au budget des Etats.»

Bon, voilà. LA breaking news est tombée. Qu’en conclure? Que la vie, quand même, c’est beau. Un bébé, c’est craquant. Facebook, c’est génial. Et l’argent, c’est PROPRE. Compris? Et ce sera tout pour aujourd’hui, dans la Silicon Valley et dans le reste des mondes réel et virtuel, à notre connaissance.