Le suspense autour des chiffres de l’inflation était tel que mardi déjà un faux communiqué du Département américain du travail avait circulé sur Twitter. L’administration avait dû se fendre d’une prise de position dénonçant ce faux taux d’inflation de 10,1% et rappelant que la vraie statistique serait révélée le lendemain.

La réalité s’est révélée en dessous de cette infox. Mais aussi au-dessus des pronostics des économistes, qui voyaient l’indice des prix à la consommation atteindre +8,8%. Il se monte finalement à +9,1% au mois de juin en rythme annuel, après +8,6% en mai. C’est un nouveau plus haut en quarante ans. Les hausses les plus importantes concernent les prix de l’énergie, de l’alimentation et du logement. Sans les deux premières composantes, l’inflation dite sous-jacente s’élevait à 5,9%, également à un niveau supérieur aux prévisions.

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L’annonce n’a pas manqué de faire vaciller les marchés européens. Déjà en baisse, ils se sont enfoncés dans le rouge. Les principaux indices américains ont ouvert en recul modéré, avant de remonter proche de l’équilibre à 18h00 GMT Les rendements américains à 10 ans revenaient aussi à 3%. Surtout, l’euro, qui frôlait la parité avec le dollar depuis quelques jours, a fini par la casser pour la première fois depuis 2002, année de l’introduction de la monnaie unique. Quelques minutes après l’envoi du communiqué, le taux de change plongeait à 0,9998 dollar pour 1 euro avant de rebondir à nouveau au-dessus de la parité.

Hausse de taux jumbo

Ce chiffre de l’inflation conforte les experts dans l’idée que la Réserve fédérale américaine (Fed) procédera à une nouvelle hausse des taux, qualifiée de «jumbo», parce qu’elle devrait se monter à 75 points de base, comme en juin. Avant cela, l’institution n’avait plus pris une telle mesure depuis 1994. Pour certains analystes, la Fed pourrait même opter pour un mouvement encore plus violent de 100 points de base.

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Le renchérissement est devenu un sujet central depuis la fin de l’année dernière. Analysée comme «transitoire» au début, elle est apparue beaucoup plus tenace en raison des goulets d’étranglement et des ruptures dans les chaînes de production liées à la pandémie. Le problème s’est amplifié avec la flambée des prix de l’énergie suite à la guerre en Ukraine.

L’inflation, puisqu’elle touche à des biens de première nécessité, est aussi devenue un enjeu politique de taille, pesant sur la popularité de Joe Biden. Avant la publication du chiffre du mois de juin, l’administration américaine essayait d’ailleurs de le relativiser, soulignant qu’il ne tiendrait pas compte de la baisse actuelle du cours du pétrole. «Nous prévoyons que les chiffres de l’inflation du mois dernier soient très élevés, principalement parce que les prix de l’essence sont montés très haut en juin», a ainsi annoncé la porte-parole de la Maison-Blanche, cité par l’AFP.

Risque de récession accru

Mais les banques centrales peinent à juguler cette hausse des prix et risquent de se trouver face à un nouveau problème, celui d’un ralentissement économique qui tourne à la récession.

Dans une note publiée mercredi matin, des analystes d’UBS prévenaient déjà que les chiffres du jour ne seraient probablement pas rassurants. Pourtant, ils voient des signes positifs: «Les attentes à long terme des consommateurs ont tendance à baisser, réduisant le risque que les pressions sur les prix s’enracinent.» En outre, ajoutent-ils, «les prix deviennent plus modérés dans des domaines où la demande des consommateurs surchauffait en raison de la pandémie et commence maintenant à ralentir». Enfin, les effets de base commenceront à être plus favorables à mesure que l’année progresse.