Moxy, un nouvel hôtel branché 3 étoiles de 115 chambres, sera inauguré en 2019. Ensuite, la rénovation de deux entrepôts surnommés «les Jumeaux» en immeuble commercial et de loisirs sera achevée dans deux ans. Il accueillera notamment l’enseigne Eataly, symbole de la gastronomie italienne. Puis l’aménagement d’un showroom de la marque de voitures Tesla est prévu pour l’an prochain. Cet hiver déjà, Philip Morris ouvrira, en première mondiale, un bar-fumoir pour promouvoir les cigarettes sans fumée.

Et ce jeudi, après neuf mois de travaux, c’est l’esplanade rénovée et revêtue de pierre calcaire Villebois grise qui montrera son nouveau visage. Des démarches sont en cours pour que la remise des médailles des Jeux olympiques de la jeunesse de 2020 à Lausanne ait lieu ici. Autant dire que le quartier du Flon, devenu le nouveau centre de Lausanne, est en métamorphose permanente.

Connectivité

C’est une ville dans la ville: 31 immeubles, 55 000 mètres carrés de surface au sol, 100 000 mètres carrés et 365 objets louables, un parking de 950 places. «La Flon Vision 2025 n’est pas seulement un projet d’architecture urbaine, avec ses magasins, bureaux, logements, cinémas, restaurants et bars, explique Marc Pointet, directeur de Mobimo Suisse romande, agence immobilière propriétaire du quartier. C’est surtout un choix du plan d’occupation, la gestion de l’ensemble du quartier et de ses espaces publics.» Son objectif: faire venir du monde au Flon, et les affaires suivront.

Architecte formé à l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich et détenteur d’un MBA de l’Université de Saint-Gall, Marc Pointet, à son poste depuis 2013, dit gagner son pari. Aujourd’hui, le quartier du Flon est devenu l’un des plus dynamiques de Suisse romande; il connaît un flux de 7,5 millions de personnes par an.

La connectivité y a toute sa place. Grâce à un partenariat avec Lausanne Free Spot, le wifi est gratuit partout. Dès cet automne, des bornes électriques permettront aux visiteurs de rechercher les adresses des enseignes, activités et autres services. A l’heure où on peut tout acheter en ligne, les magasins deviennent surtout des lieux d’exposition et de conseil. A l’instar de Cosmetics Obsession, où les clientes viennent se faire maquiller et éventuellement passer des commandes en ligne. Le spécialiste des baskets Pump It Up réussit aussi grâce au conseil à ses clients. Selon Marc Pointet, le taux de renouvellement des locataires n’est pas différent de celui du marché dans d’autres villes suisses.

Covent Garden comme modèle

«Fait exceptionnel, tout le développement, y compris les infrastructures et leur maintien, est assuré par une entreprise privée», déclare le directeur de Mobimo. Les promoteurs se sont inspirés de Covent Garden, un quartier de Londres qui offre à ses visiteurs un vaste choix en matière de shopping et de culture. «La société immobilière qui l’a développé a acheté les immeubles l’un après l’autre, avant de les intégrer dans un ensemble cohérent qui attire aujourd’hui des visiteurs du monde entier, explique Marc Pointet. Au Flon, tout le quartier, y compris les places et les rues, appartient au groupe dès le départ. Nous pouvons ainsi donner les orientations, quitte à subventionner des loyers dans certaines activités», explique son directeur. Les logements ne sont pas une priorité. Le quartier en compte 37.

Sans vouloir entrer dans le débat politique, le groupe Mobimo souhaite que le quartier du Flon soit décrété zone touristique. Un tel statut offre certains avantages, notamment en termes d’heures d’ouverture.

Dans tous les cas, Mobimo, l’un des leaders du secteur immobilier en Suisse alémanique, présent en Suisse romande après sa fusion avec le groupe lausannois Lo en 2009, se dit satisfait du développement du quartier du Flon. En 2009, ce dernier était valorisé à 307 millions de francs. Ce chiffre passera à 492 millions en 2019.


Le destin d'une vallée urbaine

La vallée du Flon porte le nom de la rivière qui coule encore aujourd’hui sous son sol et va se jeter dans le Léman. Le quartier a vu sa destinée changer radicalement au fil des siècles. Du Moyen Age au XVIIIe siècle, la zone du Flon a favorisé l’installation d’artisans utilisant le cours d’eau pour leurs besoins industriels. Leurs bâtiments furent les premiers de Lausanne à être éclairés à l’électricité. La famille Mercier y installa sa tannerie en 1740 et devint l’une des dynasties les plus importantes de la ville.

Jean-Jacques Mercier III s’intéresse à la nouveauté qui est en train de changer le monde: le chemin de fer. En 1877, il développe l’idée de financer une voie depuis le Flon jusqu’à Ouchy, la Compagnie du chemin de fer Lausanne-Ouchy. En échange de ce lourd investissement, la Ville de Lausanne donne aux Mercier l’entière plateforme du Flon en leur demandant d’y construire des dépôts pour y stocker les marchandises arrivant de la gare. La famille Mercier devient donc propriétaire de toute la surface du Flon, devenue en deux décennies la plus grande gare marchande du canton, et possède également la Compagnie Lausanne-Ouchy, pièce maîtresse de la logistique des marchandises à Lausanne.

Une friche industrielle au cœur de la ville

Dès 1950, avec la disparition de la gare de marchandises et des entrepôts, le quartier se transforme en une friche industrielle. Puis la Compagnie du chemin de fer Lausanne-Ouchy abandonne en 1984 le transport de passagers pour le confier à la commune.

Le Flon a alors une mauvaise réputation. Les locaux se vident peu à peu, c’est un quartier sale où travaillent les prostituées dès la tombée de la nuit. Dans les années 1980, le destin du Flon devient le principal enjeu politique de la ville. Mais la famille Mercier, ou plus spécifiquement leur société Lausanne-Ouchy, n’arrive pas à s’entendre avec la municipalité sur les façons de redonner vie à ce quartier et de l’intégrer à la ville. En attendant, le Flon se développe de manière alternative et originale: c’est l’éclosion d’ateliers d’artistes, de clubs de danse et d’une école de jazz. Le Flon, c’est aussi un vaste parking: 800 places de parc sont disponibles à l’air libre.

Avec Mobimo

En 1999, un nouveau plan partiel d’affectation va permettre d’envisager les transformations. Première chose à faire: enterrer le parking. Jeune société lucernoise cherchant à s’implanter en Suisse romande, Mobimo fusionne avec LO Holding Lausanne-Ouchy. Le descendant de la famille Mercier, Laurent Rivier, se dit extrêmement satisfait du travail de la société suisse alémanique. «Cela fait aujourd’hui huit ans que l’on a remis les clés à Mobimo. Ils ne nous ont pas trahis, mais au contraire ont développé l’ADN propre du quartier, sa vocation économique et culturelle, tout en préservant certaines architectures.» (Aïna Skellaug)