Le 1er janvier 2014 entrera en vigueur un nouvel article 24 al. 3 LPCC. Le législateur a voulu que les titulaires d’une autorisation au sens de la LPCC ainsi que les tiers auxquels ils ont recours pour la distribution de placements collectifs fassent l’inventaire écrit des besoins du client et des raisons les motivant à recommander l’acquisition d’une part d’un placement collectif. La loi prévoit également qu’ils remettent ensuite au client une copie de cet inventaire, dans une sorte de mise en œuvre par anticipation des règles de «suitability» découlant de la directive européenne MiFID.

Ce nouvel alinéa avait été voté dans les derniers instants des débats parlementaires de l’automne 2012, si bien qu’il n’avait pas figuré dans le message du Conseil fédéral relatif à la révision de la LPCC, ni fait partie du premier paquet de règles entré en vigueur cette année. Un nouvel article 34a OPCC vient encore s’y ajouter pour préciser que l’obligation d’inventaire ne s’applique qu’aux opérations de «distribution» au sens de la loi. Ne sont donc pas soumis à cette obligation d’inventaire la mise à disposition d’informations (1) si elle s’adresse exclusivement à des intermédiaires financiers soumis à une surveillance prudentielle, (2) si elle résulte d’une «reverse sollicitation» ou (3) d’un mandat écrit de gestion ou de conseil conclu, par exemple, avec une banque ou un gérant de fortune indépendant.

A contrario, ne peuvent donc être considérées comme de la «distribution» – et partant, théoriquement, faire l’objet d’une éventuelle obligation d’inventaire – que (I) l’activité de promotion dirigée vers un intermédiaire non surveillé ainsi que (II) celle dirigée vers un investisseur, soit sans sollicitation préalable de sa part dans le cadre d’un rapport «execution only», soit dans le cadre d’un mandat de gestion ou de conseil ne répondant pas aux critères formels fixés par les articles 3 LPCC/OPCC. Un premier constat s’impose donc: les cas dans lesquels cette obligation d’inventaire pourrait s’appliquer sont relativement limités.

Une obligation excessive

Ceci est d’autant plus vrai que ce nouveau dispositif vient d’être complété par l’ASB dans des directives reconnues par la Finma comme standard minimal le 14 novembre dernier. Ainsi, les directives ASB précisent que l’obligation d’inventaire ne s’appliquera qu’en cas de recommandation personnelle d’achat de placements collectifs fournie à un client dans le cadre d’un conseil individualisé. Bien qu’aucun de ces termes ne soit formellement défini par la loi ou ces directives ASB, la fourniture d’une liste de recommandations remise indistinctement à tout ou partie de sa clientèle ne devrait pas engendrer d’obligation d’inventaire. Une telle obligation sera également exclue en cas de conseil visant la conservation ou la vente d’un placement collectif. En revanche, elle s’appliquera même si le conseil donné ne devait pas être suivi par le client, ce qui nous semble excessif.

Quant au contenu de l’inventaire, les directives de l’ASB reprennent, sans plus de précisions, les exigences fixées par la loi, à savoir qu’il devra faire mention des informations collectées sur les objectifs de placement du client, de son profil de risque ainsi que des motifs de la recommandation. C’est en revanche sur la forme de cet inventaire que les directives ASB s’avèrent plus prolixes. Il devra ainsi être rédigé, au choix du distributeur concerné, soit dans la langue utilisée pour le conseil soit dans celle choisie par le client pour la correspondance avec la «banque» (sic). Il sera documenté sur papier ou sur tout autre support permettant un tirage ultérieur sans modification de son contenu. Une signature du document n’est en revanche pas requise. Une fois établi, l’inventaire devra être remis au client, sauf en cas de renonciation expresse de sa part. La fourniture d’un conseil par correspondance au client est également réservée.

En dépit de ces précisions bienvenues, il est permis de regretter que la Finma ait finalement refusé la proposition de l’ASB de limiter l’obligation d’inventaire aux cas de recommandations personnelles visant des «investisseurs finaux». La Finma a manifestement considéré qu’une telle catégorie n’existait pas formellement dans la loi et pouvait être source de confusion. Cela s’explique toutefois d’autant moins que les directives ASB font usage de nombreux autres termes ne bénéficiant pas plus d’une définition consacrée («client», «clientèle» «recommandation personnelle» ou encore «conseil individuel»).

Selon nous, cette modification du texte final des directives ASB ne veut toutefois pas dire qu’un promoteur – «distributeur», au sens de la loi – qui n’aurait aucun contact avec les investisseurs et qui ne s’adresserait qu’à des intermédiaires, dont des gérants de fortune indépendants, soit soumis à cette obligation. On ne saurait en effet exiger d’un intervenant n’ayant pas de contacts avec un investisseur qu’il inventorie des besoins qu’il ne connaît pas ou qu’il prenne contact avec lui pour les connaître, directement ou par le biais de l’intermédiaire concerné. Une application de cette obligation à la recommandation d’acquisition par le promoteur au gérant de fortune ne ferait d’ailleurs pas plus de sens, sous réserve du cas où ledit gérant acquiert un placement collectif pour lui-même.

Une durée de vie limitée

Quoi qu’il en soit, la signification qui sera donnée par les acteurs du marché, d’une part, mais aussi et surtout par la Finma, d’autre part, à cette kyrielle de nouveaux termes figurant dans les directives ASB déterminera le champ d’application réel de l’obligation d’inventaire. Quant au contenu minimum de l’inventaire, des doutes subsistent encore sur le degré minimum de détails requis quant aux objectifs de placement et aux motifs d’une recommandation devant y être répertoriés. Des disparités sensibles pourraient ainsi être constatées en pratique entre les établissements assujettis.

A noter enfin que la Finma a souhaité limiter la durée de vie de ces directives ASB au 31 décembre 2015, ce qui peut également surprendre. La Finma justifie toutefois cette mesure par les débats en cours sur la future Fidleg qui, une fois en vigueur, devrait élargir le champ d’application de l’obligation d’inventaire à tout instrument financier sur le modèle de ce que prévoit le projet de directive MiFID 2. Ce que la Finma omet de préciser, c’est qu’une telle extension de l’obligation d’inventaire rendrait alors de toute façon sans objet ces nouveaux articles 24 al. 3 LPCC et 34a OPCC!

Quoi qu’il en soit, à moins d’un mois de son entrée en vigueur, force est de constater que la nouvelle obligation d’inventaire ainsi que ses dispositions d’exécution comportent encore leur lot d’incertitudes.