Le bouclement des comptes semestriels du groupe des banques Raiffeisen est «réjouissant». Selon le communiqué publié mercredi par leur centrale saint-galloise, les chiffres sont en effet cohérents avec l'air du temps. Le total de leur bilan consolidé a progressé de 3,9% à 73,9 milliards. Les crédits hypothécaires, l'activité la plus importante du groupe, ont augmenté en phase. Quant au bénéfice net, influencé par la hausse du cash-flow semestriel et, surtout, par la forte baisse des besoins en provisions, il a bondi de 13,2% à 190 millions. En apparence donc, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes Raiffeisen. Il y a pourtant un «mais» inquiétant: à fin juin, les dépôts d'épargne ont fondu de 2,3%…

Pour les 600 banques Raiffeisen, traditionnellement orientées sur la clientèle de détail et très implantées dans les milieux ruraux, l'épargne pure de la clientèle est une donnée existentielle. Son recul, même relatif dans l'absolu, est un coup de semonce. A fin 1999 en effet, ses responsables avaient relevé, avec pertinence et fierté, que la croissance de 7,4% des fonds d'épargne pouvait être «qualifiée d'exceptionnelle pour la branche, surtout si on considère que des opportunités de placement alternatives, souvent plus rentables, s'offrent de manière accrue à nos clients». Or, c'est avec cette épargne que les banques Raiffeisen peuvent encore refinancer la plus grande partie possible de leurs crédits hypothécaires. Des crédits qui représentent toujours chez elles 77% du total de leur bilan de groupe.

Si l'épargne pure commence vraiment à se tarir, ces banques devront faire comme leurs consœurs: se refinancer sur les marchés financiers à des conditions nettement plus onéreuses. Même si ces conditions sont négociées au niveau d'une centrale de groupe. A terme, c'est donc l'équilibre de la structure de leurs revenus qui pourrait être fragilisé. D'autant que, si les revenus de leurs opérations de commission ou des affaires de négoce augmentent rapidement, il ne représente qu'à peine 21% de l'ensemble de leurs revenus. La situation n'est bien sûr pas encore catastrophique mais elle n'est pas non plus particulière aux banques Raiffeisen.

Les 91 banques régionales, très orientées également sur la clientèle de détail et les affaires hypothécaires, continuent aussi à voir l'épargne fondre comme neige au soleil. Dans ses résultats semestriels publiés mardi dernier, le recul de ce poste au passif du bilan du groupe RBA Holding est de 2,8% sur un an à fin juin et de 3,9% sur six mois, par rapport à fin décembre 1999. Parallèlement, les banques régionales ont augmenté leurs emprunts auprès des centrales de lettres de gage. Surtout, elles commencent à emprunter plus agressivement auprès des investisseurs institutionnels. Comme pour certaines banques cantonales, cela risque de déstabiliser leurs taux passifs et donc de péjorer la structure de revenus de leurs affaires portant intérêt en limant leur marge nette. C'est cette évolution qu'a notamment voulu dénoncer Kurt Streit, président de la direction générale du groupe bernois Valiant, dans un récent entretien à la Handels Zeitung.

A cette menace structurelle s'en ajoute une autre. Comme le soulignait aussi le responsable de la plus grande banque régionale du pays, 70 à 80% de l'épargne traditionnelle est détenue par des personnes âgées. Le passage à de nouvelles générations de clients plus jeunes, mieux formés et informés sur les produits financiers, moins fidèles à une banque de référence, peut créer des remous supplémentaires. Comment retenir l'épargne? Pour l'instant, on entend surtout les banquiers dire qu'ils pourraient renchérir les conditions de crédit. Donc, adapter à la hausse les taux hypothécaires en prenant, par exemple, appui sur une éventuelle hausse des taux d'intérêt. Mais personne ne semble vouloir envisager une autre possibilité. A savoir, rendre cette épargne plus attractive en adaptant sa rémunération le plus souvent possible aux conditions du marché. Ou à celles des clients. C'est-à-dire, en lui appliquant les recettes qui ont jusqu'ici été appliquées pour adapter les conditions de crédit.