On a revitalisé l’euro!
revue de presse
Saluée par la presse, la décision de créer un mécanisme d’assistance financière de 750 milliards d’euros doit redonner confiance dans la monnaie unique. Si ses effets sont encore à vérifier, il s’agit d’une ébauche de gouvernance économique de l’UE: on fait tomber la fièvre mais on ne guérit pas le malade
Saluée par la presse, la décision de créer un mécanisme d’assistance financière de 750 milliards d’euros doit redonner confiance dans la monnaie unique. Si ses effets sont encore à vérifier, il s’agit d’une ébauche de gouvernance économique de l’UE.
«On a sauvé l’euro!» s’exclame le site Presseurop, qui recueille le contentement de Bruxelles dans sa compilation de l’essentiel de la presse européenne. Pour Le Figaro, l’UE a adopté «la décision historique la plus importante depuis la création de l’euro, en 1999». C’est-à-dire «la création d’un mécanisme d’assistance financière (très pédagogiquement détaillé par Les Echos) pour les pays de l’Eurozone qui ont du mal à rembourser leur dette», explique El País, selon lequel ce «geste décisif pose les bases pour réduire l’asymétrie flagrante entre une union monétaire quasi parfaite et l’absence d’intégration politique». «L’Europe essaie de se sauver de l’effondrement», écrit, plus sceptique, România libera, dans la foulée de Stephan Kornelius, le chef du service étranger de la Süddeutsche Zeitung, pour qui, il y a à peine une semaine, les Vingt-Sept étaient «fatigués».
Echafaudé en une longue nuit de négociations «au bazooka» que décrit délicieusement The Economist, ce mécanisme de stabilisation ou ce plan «qui vise à sauver les preneurs d’otages», dans l’optique de L’Humanité, «pourra-t-il contrebalancer les doutes sur le destin de pays comme la Grèce, l’Espagne et le Portugal?» se demande en Pologne la Dziennik Gazeta Prawna, selon laquelle «on pourrait assister à une reconstruction de la confiance dans la zone euro». Alors que pour la Gazeta Wyborcza, on a utilisé «du ruban adhésif pour stopper une hémorragie». Parce que «l’euro s’est construit sur le dogme du «non-sauvetage» d’un membre du club par les autres, constate La Tribune. Mais la crise pourrait bien avoir rendu possible l’impensable.» «C’est le premier pas vers une possible accalmie», enchaîne Libération, sans imaginer que la décision «suffira à résoudre le chaos.» Conclusion: «La leçon de la tragédie grecque qui se déroule sous nos yeux, c’est que l’Europe n’existe pas. Ou si peu.» On peut parler de «solution à court terme», estime O Estado de São Paulo.
Selon le quotidien portugais Público, les discussions à Bruxelles ont connu une accélération après que Barack Obama, «inquiet» que la crise ne s’étende aux Etats-Unis, «a appelé Angela Merkel»: «A présent, on sait très bien quel numéro composer pour parler avec l’Europe. C’est celui de Berlin, et non celui de Bruxelles.» «Danke schön Frau Merkel», écrit d’ailleurs Le Soir de Bruxelles, qui remercie en allemand la chancelière allemande, dont le revirement a permis la conclusion de l’accord. En écho à Marx, le quotidien belge De Standaard affirme aussi que «celui qui contrôle l’Allemagne contrôle l’Europe». C’est Berlin qui décidera «si l’euro passera à l’histoire comme l’accord monétaire le plus durable de l’histoire européenne». Et l’avenir qui dira s’il ne se résume pas à ce que La Croix appelle une «ligne de défense» et La Repubblica un «bouclier». «A Trillion for Europe, With Doubts Attached», commente le New York Times. «Big problem, big number», renchérit le Sydney Morning Herald. C’était «le prix à payer pour éviter une progression dans l’érosion de la crédibilité fiscale et monétaire de l’Europe», analyse le Wall Street Journal. Un prix qui «a étonné les analystes», relève le Mail & Guardian sud-africain.
Forte d’un plan que Radio-Canada qualifie de «sans précédent», «l’Europe se souviendra de ce moment du printemps 2010 encore bien longtemps», indique, lyrique, Die Zeit, pour dire en fait que ce dont on se souviendra, c’est «des mensonges des Grecs, des magouilles des autres Etats de l’Eurozone, de la frayeur qui ont secoué les marchés financiers avec leurs paris toujours moins scrupuleux sur la faillite de l’Etat grec. Mais ces semaines de crise ont révélé combien l’intégration européenne a progressé aujourd’hui»: c’est «une brique de plus», pour la Tribune de Genève et 24 heures, «un des nombreux passages de l’adolescence à l’état d’adulte. Ce n’est sans doute pas le dernier. Dans l’idéal, la gouvernance économique de la zone euro devrait s’affranchir des tergiversations nationales.»
Depuis plusieurs jours, le Guardian ne cesse de marteler que pour l’euro, c’est «la réforme ou la mort» et le Daily Telegraph, qui a déjà très largement zappé sur la démission de Gordon Brown, pense que toute cette affaire «n’est pas dans l’intérêt des Britanniques». Alors que la Frankfurter Allgemeine estime que «relancer l’Union, c’est possible», Le Monde titre aussi ce mardi en Une de son supplément Economie: «Changer ou mourir.» Mais on a eu droit à «un traitement de choc qui ne guérit pas tout». Même s’il faut «se réjouir» que les Européens «aient pris la mesure de la gravité de la crise et compris la nécessité de caler le rythme de leur action sur celui des marchés. Il est vrai que la pression de ces derniers était devenue telle qu’ils n’avaient plus guère de choix que s’accorder, sauf à plonger de façon certaine le système financier mondial dans un chaos comparable à celui qui avait suivi la faillite de Lehman Brothers.»
Reste que pour le quotidien français, «ce plan n’offre pas la moindre piste pour remédier aux défauts de structure de l’Union monétaire que la crise a mis en évidence: absence de gouvernance économique et de solidarité budgétaire, écarts de compétitivité entre pays, problèmes de croissance, et donc de solvabilité, à terme, des pays d’Europe du Sud. Le plan d’urgence permettra de faire tomber la fièvre, pas de guérir le malade.» Ces jours-ci, les métaphores médicales fleurissent: «Les antibiotiques ont calmé le malade. Mais en matière financière comme en médecine, se pose désormais la question de la résistance aux antibiotiques», enchaîne La Liberté de Fribourg.
«Si la Commission européenne peut contracter des emprunts sur des marchés, plus ou moins garantis collectivement par les Etats de l’UE, pour venir en aide à des pays qui sont pour la plupart grevés de dettes, cela pourrait avoir des conséquences fatales», avertit de son côté la Neue Zürcher Zeitung, citée et traduite par le site Eurotopics: «Cela reviendrait à encourager le fait qu’une économie nationale malade ait le droit de se servir de la solvabilité d’Etats plus sains. Les pays les plus malades seraient pour ainsi dire raccordés au système cardio-vasculaire des pays les plus sains et vice-versa. C’est la meilleure façon de répandre la maladie au plus vite. L’euro et l’UE vont ainsi se transformer en de véritables institutions contagieuses, qui affaibliront le développement de l’Europe. D’autre part, ce serait comme si les hautes instances de l’UE, en émettant des emprunts, disposaient de leur propre argent. On ne serait plus très loin de l’introduction d’une source d’impôt européenne.» Bref, c’est «une journée qui a testé les limites de l’Union», traduit le Financial Times.
«Ce n’est pas un prêt», estime l’ Irish Independent, relayé par Courrier international. Non, «c’est un cadeau. Ce qu’on a présenté comme le sauvetage d’un Etat en faisant appel à notre sentiment de solidarité européenne n’est rien d’autre qu’un transfert direct d’argent, de votre poche à celle des créanciers étrangers de banques françaises et allemandes. Ils auraient perdu de l’argent si la Grèce avait fait faillite. La «bancocratie» est désormais transnationale.» Et transeuropéenne, puisque la Gazeta précise que la Russie va aussi apporter son aide en versant 40 millions d’euros dans le capital de la BERD en garantissant qu’elle en accordera encore 360. Et que le China Daily ne doute pas des conséquences que cela aura pour l’Empire du Milieu. Car dans ce subtil équilibre, on assiste à des effets en cascade. Ainsi la Banque du Japon annonce-t-elle, dans le Japan Times, qu’elle va devoir revoir le taux de change entre le yen et le dollar suite aux effets de la crise grecque. Le Times of India ne commente pas, lui, mais donne l’essentiel de l’information par le biais de l’Agence France-Presse.