Avec la pandémie, davantage de réservations directes pour l’hôtellerie suisse
Tourisme
Durant l'année écoulée, les hôteliers suisses ont enregistré plus de réservations directes qu'en 2019. Pour autant, le poids des plateformes de réservation en ligne reste très important et la branche demande la fin des clauses de parité imposées par ces acteurs

Face à la pandémie, la clientèle a privilégié la prise de contact directe avec les hôtels pour réserver leur séjour en Suisse. Selon l’étude annuelle menée par l’Institut du tourisme de la Haute Ecole spécialisée de Suisse occidentale Valais (HES-SO Valais-Wallis) et l’association HotellerieSuisse, les réservations par canaux directs (téléphone, e-mail, site des hôtels…) représentent 62,5% des nuitées, avec une augmentation de 5% par rapport à 2019.
«Nous avons observé ces dernières années une stabilisation des réservations directes, précise Roland Schegg, auteur de l’étude et professeur à l’Institut du tourisme de la HES-SO. Une des explications est que les hôtels ont mis à jour leurs sites.» Mais la pandémie a aussi joué un rôle dans cette hausse en modifiant la provenance des hôtes. «En 2020, 69% de la clientèle était suisse», souligne Roland Schegg. Une population qui a privilégié le contact direct avec les hôtels par e-mail (19,1% des nuitées) et par téléphone (18,2%). La situation a en revanche été défavorable aux agences de voyages et aux tour-opérateurs dont la part des réservations est passée de 5% en 2019 à 2,9% en 2020.
Renforcer sa présence numérique
Si les réservations en temps réel sur les sites des hôtels restent derrière à 13,8%, elles ont connu une croissance de 4% sur l’année. Certains établissements ont profité de la pandémie pour renforcer leur présence numérique. «Pour les hôteliers qui doivent gérer seuls l’accueil, la comptabilité, etc., avoir un site à jour reste difficile», remarque Roland Schegg.
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Durant l’année écoulée, les hôtels ont aussi développé leur présence sur les réseaux sociaux, principalement sur Facebook et Instagram: 70% des hôtels ayant participé à l’enquête les utilisent à des fins marketing, soit plus de 10% de hausse par rapport à 2019. «Il y a de très bons exemples d’hôtels qui ont su créer une relation avec leurs clients par ce biais sans trop dépenser en marketing, détaille Roland Schegg. Encore une fois, cela dépend de la taille de l’hôtel, tout le monde n’a pas les moyens d’embaucher quelqu’un ayant ces compétences numériques. Pour les petits hôtels, une coopération pour engager une personne pourrait être une solution.»
Des plateformes toujours dominantes
Si les hôteliers suisses cherchent à accroître leur présence en ligne, c’est aussi pour alléger le poids des plateformes de réservation (OTA) qui dominent toujours le marché. Malgré la pandémie, ces dernières ont maintenu leurs parts de marché à 26,7% des réservations effectuées en ligne, soit une baisse de 1,9% par rapport à l’an dernier. Cette tendance ne devrait être que passagère, selon l’étude. Booking, Expedia et HRS, qui sont les trois plus importants acteurs, ne s’en sortent pas de la même façon. Là où la part de Booking augmente de 1,3%, celle d’Expedia, plus sensible au marché américain, recule de 1,8% et celle de HRS, qui dépend du tourisme d’affaires, de 1,5%.
Neuf hôtels sur dix demandent d’ailleurs une interdiction des clauses de parité imposées par les plateformes. Ces dernières obligent notamment les exploitants à aligner les tarifs proposés sur leurs sites au prix de l’OTA proposant l’offre la plus chère. En septembre 2017, une motion déposée par le conseiller aux Etats Pirmin Bischof (PDC/SO) pour les interdire a été adoptée. Elle a débouché sur un projet de modification de la loi sur la concurrence déloyale.
«A partir du moment où une interpellation est déposée, elle suit son cours politique et la société civile ne peut pas intervenir sur la procédure, souligne Christophe Hans, chef lobbyiste d’HotellerieSuisse. Le gouvernement a traîné pour mettre en place la consultation qui s’est achevée en février. Il a maintenant trois mois pour présenter le message aux Chambres. Nous espérons avoir une réponse d’ici à 2022.» Sur l’année écoulée, les hôtels ont payé en moyenne 36 000 francs de commissions aux OTA.
Une diversification nécessaire
Cependant, la fin de ces clauses de parité ne signifie pas que tous les problèmes des hôteliers disparaîtront. «Il faut travailler en bonne intelligence avec ces plateformes, même les grandes chaînes d’hôtel doivent passer par elles, rappelle Roland Schegg. L’important est de ne pas devenir un toxicomane des OTA, pour certains hôtels, elles représentent jusqu’à 80% des réservations.»
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«Nous ne sommes pas opposés aux plateformes, mais à leurs abus», précise Christophe Hans. Parmi les aspects positifs, leur présence internationale permet aussi aux hôteliers de toucher une clientèle étrangère qu’ils ne peuvent atteindre via leurs sites du fait de la barrière de la langue. «Il est important de jouer sur tous les tableaux pour ne pas dépendre d’un seul acteur», reconnaît Christophe Hans, qui indique qu’HotellerieSuisse a, par exemple, conseillé à ses membres de proposer des chambres sur la plateforme Airbnb. D’autant que si les Suisses privilégient encore la réservation directe, les changements de génération devraient encore accélérer la tendance vers la réservation en ligne.