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Pascal Grieder, directeur de Salt: «Plus les clients sont infidèles, mieux c’est»

Le directeur général de Salt, sur le départ, a présenté des résultats annuels record ce vendredi. L’occasion de s’entretenir avec lui de la panne massive de jeudi et de son accord avec Starlink pour les connexions via satellite

Pascal Grieder: «Nous devrions gagner davantage encore de clients. Salt se doit de viser des objectifs plus élevés.» — © Dom Smaz / Dom Smaz
Pascal Grieder: «Nous devrions gagner davantage encore de clients. Salt se doit de viser des objectifs plus élevés.» — © Dom Smaz / Dom Smaz

Une panne de quatre heures ce jeudi matin, un récent accord avec les sociétés SpaceX et Starlink d’Elon Musk, un directeur général sur le départ et des résultats record présentés ce vendredi. Salt est au cœur de l’actualité ces jours. L’occasion de s’entretenir une dernière fois avec Pascal Grieder. A la tête depuis bientôt cinq ans de l’opérateur télécoms basé à Renens (VD), il vient d’annoncer qu’il quittait la tête de l’entreprise – il sera remplacé dès le 1er juin par Massimiliano Nunziata.

Vendredi, Pascal Grieder a présenté à Zurich des chiffres 2022 en progression: le chiffre d’affaires a augmenté de 2,8% à 1,07 milliard de francs, tout comme l’excédent brut d’exploitation (EBITDA), en progression de 2,2% à 546,9 millions de francs. L’opérateur a gagné 107 000 clients supplémentaires, pour atteindre les 1 483 000 abonnés.

Le Temps: Quelle a été la cause de la panne massive touchant le réseau de Salt ce jeudi?

Pascal Grieder: Salt a été confronté à des dysfonctionnements à la suite d’une maintenance sur son réseau la matinée de jeudi et certains clients ont rencontré des difficultés à se connecter. Un défaut du système a été identifié au niveau du service de localisation du réseau.

Allez-vous dédommager vos clients?

Nous regrettons vivement les désagréments causés par cette panne et présentons nos excuses à nos clients. Aucune autre mesure n’est prévue à ce stade.

Pourquoi quittez-vous l’entreprise?

Cette décision n’a pas été facile à prendre après presque cinq ans. J’ai eu le privilège de travailler avec une équipe exceptionnelle pendant cette période, et cela va certainement me manquer. D’un autre côté, je suis également enthousiaste à l’idée de vivre de nouvelles expériences. Mon départ est une décision personnelle et je suis convaincu que c’est la bonne à ce stade de ma carrière.

Xavier Niel, propriétaire indirect de Salt, tiendrait, selon les rumeurs, l’opérateur d’une laisse très courte.

Salt est une entreprise privée et, en tant que telle, il est naturel que son propriétaire veuille la surveiller de près. Xavier ayant également de nombreuses autres obligations, une équipe de cadres expérimentés en télécommunications de NJJ Capital, notre actionnaire, travaille en étroite collaboration avec la direction de Salt.

Vos résultats financiers, malgré les chiffres record pour 2022, ont-ils été estimés insuffisants?

Non, clairement pas. Notre marge est l’une des meilleures du secteur. Et les dividendes que nous versons sont stables. En parallèle, nous avons une capacité d’investissement suffisante. Il n’y a rien à dire sur l’argent généré par Salt, la situation est excellente.

A la tête de Salt, quelles sont vos réussites?

J’en citerai trois. D’abord, il y a la qualité de notre réseau, accessible à 99,9% de la population. Et cela s’améliorera encore via notre accord avec SpaceX et ses satellites. Ensuite, notre qualité de service s’est fortement améliorée: nous avons réduit d’un tiers le nombre d’appels à notre call center et réglons beaucoup plus rapidement les problèmes que rencontrent nos clients. Enfin, de manière stratégique, notre accord avec Swisscom pour la fibre optique fait entrer Salt dans une nouvelle dimension, en pouvant offrir tous les services fixe et mobile sur tout le territoire.

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Et vos échecs?

Je pourrais en citer des dizaines, nous faisons tous des erreurs, ce qui permet d’apprendre non-stop. Je dirais spécifiquement que, malgré notre meilleure performance en 2022 en termes d’acquisitions de nouveaux clients, nous pouvons faire encore mieux. Nous avons le meilleur rapport qualité-prix du marché, et de loin. Nous devrions gagner davantage encore de clients. Salt se doit de viser des objectifs plus élevés.

Parlons de l’accord avec SpaceX. Est-ce un coup marketing?

Pas du tout. Notre couverture est déjà excellente. Cependant, en tant que premier opérateur européen à s’engager dans une telle collaboration, nous sommes désormais en passe de devenir le numéro un de la couverture réseau en Suisse. Les clients pourront se connecter à notre réseau même dans les régions les plus retirées de Suisse. En outre, cela va nous permettre, grâce aux satellites, de pouvoir assurer une couverture optimale en cas de panne d’électricité, locale ou totale. Cependant, je n’imagine pas qu’un opérateur satellite concurrence un opérateur télécoms traditionnel, il est toujours beaucoup plus efficace de déployer un réseau sur terre que depuis l’espace.

Nos téléphones actuels pourront-ils vraiment communiquer avec des satellites?

Oui, absolument. Dès 2024, ce sera pour l’envoi de SMS. Ensuite, ce sera pour les appels vocaux et le transfert de données. Je me réjouis beaucoup de tester cela.

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Le test annuel de référence Connect indique que Salt demeure dernier, derrière Swisscom et Sunrise.

Observons la dynamique. Lors du dernier test, nous avons obtenu 945 points, très proches de Sunrise (959) et Swisscom (970). En l’espace de quelques années, nous avons gagné 100 points, alors que nos concurrents en ont perdu. Nous réduisons progressivement l’écart avec nos concurrents. Bien sûr, certains clients observent des manques dans certains endroits, comme c’est aussi le cas pour les autres opérateurs.

Parlons des prix. Vous offrez actuellement 65% de rabais, à vie, sur vos abonnements. Cette politique de promotion permanente va durer?

Nous offrons le meilleur service pour le meilleur prix. Je pense que l’environnement actuel est favorable pour nous, avec une inflation importante et une grande incertitude économique. Les consommateurs comparent de plus en plus les prix. Plus ils sont infidèles, mieux c’est.

Est-ce si facile de passer d’un opérateur à un autre?

Oui, un clic de souris et c’est fait. De plus en plus de clients réalisent combien c’est aisé. Et que cela en vaut vraiment la peine.

Concernant la fibre optique, quelles sont vos ambitions?

En Suisse, nous sommes le numéro un en matière de croissance de la clientèle et notre ambition est de conserver cette première place. Actuellement, nous pouvons raccorder 1,7 million de ménages en fibre, et 800 000 de plus en ultra-haut débit avec la 5G. Grâce notamment à notre accord avec Swisscom pour la fibre, nous devrions ajouter un million de ménages potentiels cette année, et un autre million en 2025, pour parvenir à une couverture quasi nationale.

La 5G a été lancée il y a presque trois ans. Avec aucun nouveau service pour les utilisateurs.

A la différence de nos concurrents, nous n’avons rien promis de tel. Comme vous, j’attends de nouveaux services liés à la 5G. Mais côté opérateur, cette technologie a permis de gérer l’augmentation exponentielle du volume de données transmises, de réduire le temps de latence aussi. Sans la 5G, la situation serait difficile. Cela, les clients ne le remarquent pas, parce que chez Salt, la 5G est incluse pour tous nos clients sans surcoût.

Rencontrez-vous encore des difficultés pour développer votre réseau?

Globalement, la plupart des oppositions ont été levées, même s’il reste quelques points noirs. Ce qui me préoccupe, c’est le fait que nous ayons perdu trois ans dans certains cantons, le temps que toutes les demandes en cours soient traitées par les autorités.


Les consommateurs changent plus facilement d’opérateur

Selon le comparateur Bonus.ch, qui publiait cette semaine une étude à ce sujet, les offres promotionnelles à prix cassés des opérateurs de téléphonie mobile incitent les consommateurs à changer de prestataire. Selon Bonus.ch, en 2022, 60% des clients étaient affiliés depuis plus de cinq ans au même prestataire, contre 53% début 2023. En 2016, le taux de clients affiliés depuis plus de cinq ans au même opérateur était encore de 68%.

En parallèle, selon le comparateur, le pourcentage d’abonnés ayant changé d’opérateur au cours des deux dernières années est passé de 20% à 28%. La proportion n’était que de 15% en 2015. Pour sa dernière étude, Bonus.ch a sondé 2600 personnes en Suisse.

Bonus.ch constate également que la fidélité est croissante avec l’âge. Ainsi, 57% des 50 ans et plus sont affiliés au même prestataire mobile depuis plus de cinq ans, contre moins de 35% chez les moins de 40 ans. Près de la moitié des abonnés de moins de 30 ans ont changé d’opérateur au cours des deux dernières années.

Ce sont les clients de l’opérateur historique qui sont le plus fidèles, mais la tendance est partout à la baisse. Chez Swisscom, le taux d’affiliation de plus de cinq ans est passé entre 2022 et 2023 de 86% à 81%, la baisse est de 62 à 52% chez Sunrise et de 54 à 33% chez Salt.

La moitié des changements d’opérateur s’explique par une offre intéressante de la concurrence, selon Bonus.ch. La deuxième raison mentionnée est l’insatisfaction par rapport aux prestations (18%). A. S.

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