Conjoncture
Avec une croissance nulle entre juillet et septembre, le produit intérieur brut suisse a subi un net coup de frein – passager –, prévoient les experts. La faiblesse persistante de la consommation des ménages intrigue néanmoins

«Dérapage», «passage à vide» ou «conjonction inhabituelle» de facteurs défavorables. Vendredi, les économistes ont multiplié les efforts pour expliquer la stagnation de l’économie suisse au troisième trimestre. Entre juillet et septembre, le produit intérieur brut (PIB) helvétique a affiché une croissance nulle par rapport aux trois mois précédents, a indiqué le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO). Il faut remonter au premier trimestre 2015, après l’abandon du taux plancher à la mi-janvier, pour observer un taux de croissance plus faible.
En comparaison annuelle, le PIB helvétique a néanmoins progressé de 1,3% au troisième trimestre, un taux qui reste toutefois inférieur aux prévisions des économistes sondés par l’agence AWP qui anticipaient une hausse comprise entre 1,5 et 2,3%.
Faible consommation des ménages et de l’Etat
La consommation des ménages n’a que faiblement crû entre juillet et septembre (0,1%), après avoir déjà stagné entre avril et juin. Le faible niveau de la consommation privée est jugé surprenant par Credit Suisse, étant donné que l’inflation négative couplée à un taux de chômage stable et une hausse nominale des salaires devraient soutenir les revenus disponibles, a indiqué la banque dans une note. S’y ajoute la légère diminution des dépenses de la consommation publique (-0,1%), la première fois depuis plus d’un an.
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Partant de ce constat, Eric Scheidegger, le chef de la direction de la politique économique du SECO, a qualifié de «dérapage» la croissance proche de zéro au troisième trimestre, attribuant cette situation à une «conjonction inhabituelle» entre une faible consommation des ménages faibles et une légère baisse des dépenses de l’Etat. Il s’attend à ce que le PIB du quatrième trimestre soit à nouveau positif, avec une croissance attendue à 1,5% pour l’ensemble de l’année qui se termine.
La croissance nulle au troisième trimestre est aussi considérée comme un «écart» par Thomas Gitzel, chef économiste de VP Bank, compte tenu du redressement observé de plusieurs indicateurs avancés.
Exportations toujours faibles
Autre facteur qui a pesé sur la croissance: le léger recul des exportations de marchandises entre juillet et septembre (-0,2%), le deuxième trimestre d’affilée. Ici aussi, Eric Scheidegger a relativisé cette évolution, estimant qu’il faut tenir compte des fortes fluctuations du commerce de transit. En excluant les données du commerce de transit, les exportations helvétiques ont crû de 1,2% entre juillet et septembre en comparaison trimestrielle, après 0,9% au deuxième trimestre. «La reprise se poursuit après le choc du franc», conclut-il.
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L’institut de recherche BAKBASEL partage cette analyse concernant le troisième trimestre. «La contribution négative du commerce extérieur résulte avant tout de la volatilité du commerce de transit. La tendance de fond expansive de l’économie suisse se poursuit», estime l’institut bâlois. Elle est soutenue par la bonne tenue de l’indice des directeurs d’achat et l’amélioration des perspectives pour l’économie mondiale.
Reprise à l’internationale
Pour la Banque Cantonale de Zurich (ZKB), ces données ne devraient pas être surinterprétées. L’établissement maintient donc sa prévision d’une croissance de 1,1% du PIB suisse pour l’ensemble de 2016. Credit Suisse anticipe une croissance de 1,5%, aussi bien pour l’année qui se termine et la prochaine. Compte tenu des chiffres moins bons que prévu au troisième trimestre, les économistes de la banque ont toutefois admis vendredi que cette prévision pourrait être difficile à atteindre cette année.
En comparaison internationale, l’économie helvétique progressera moins vite que le PIB de la zone euro qui devrait croître de 1,7% cette année, puis de 1,4% l’an prochain, prévoit la grande banque. Ces taux de croissance respectifs devraient être supérieurs en Allemagne (1,8% et 1,5%) mais moins élevés en France (1,3% pour les deux années) et en Italie (0,9 et 0,8%). Globalement, la croissance mondiale devrait s’accélérer, passant de 3,1% en 2016 à 3,4% en 2017, soutenue notamment par celle du PIB américain attendue à 2% l’an prochain, contre 1,5% cette année.