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Le patron de Boeing abandonne un empire affaibli, aux prises avec la justice

Après trente-huit ans de carrière dans le plus grand groupe aérien mondial, Phil Condit sort par la petite porte. Des pratiques commerciales douteuses en violation avec la loi américaine ont provoqué son départ.

Les turbulences judiciaires se multiplient dans le ciel de Boeing. Phil Condit, président du conseil d'administration et simultanément CEO du plus important groupe aéronautique mondial, a démissionné hier, une semaine après le départ forcé de Mike Sears, directeur financier. «Boeing est en ce moment sur quelques-uns des plus importants programmes de son histoire. Je donne ma démission comme un moyen de renvoyer dans le passé les controverses actuelles, afin que le groupe puisse se concentrer sur sa performance», a dit Phil Condit dans un communiqué.

L'ex-CEO avait débuté sa carrière chez Boeing en 1965 comme ingénieur spécialisé dans l'aérodynamisme. Nommé président et membre du conseil d'administration de Boeing en 1992, Phil Condit a ajouté une autre casquette à ses fonctions en 1996: directeur exécutif. En 1997, il est devenu CEO de Boeing. A 62 ans, il a participé à l'essor de la compagnie aérienne la plus importante du monde. Sous sa direction, le groupe aérien a acquis Rockwell Aerospace et fusionné avec McDonnell Douglas.

Pour le remplacer dans ses fonctions, Harry Stonecipher, ex-vice-président du conseil d'administration de Boeing, a été nommé à la tête de ce dernier, et Lewis Platter, ancien CEO de Hewlett Packard, devient le président non exécutif.

Pour Boeing, 2003 a donc été l'annus horribilis. Des affaires judiciaires minent actuellement la crédibilité du groupe. Les différentes charges qui pèsent contre la compagnie aérienne ont d'ailleurs provoqué le départ de Mike Sears et de Phil Condit.

Tout d'abord, il y a quelques mois, Boeing a perdu environ 1 milliard de francs dans le secteur de l'aviation militaire. La raison: le gouvernement américain a appris que des employés de Boeing possédaient plus de 25 000 pages de documents appartenant à leur concurrent Lockheed Martin Corp. Cette affaire, actuellement entre les mains du Département américain de la justice, concerne deux anciens responsables exécutifs de Boeing. De plus, ce scandale a provoqué la suspension de nouveaux contrats par les forces aériennes américaines dans le secteur des fusées.

Ensuite, une affaire de conflits d'intérêts concernant Mike Sears et Darleen Druyun, un ancien cadre du Pentagone, préoccupe aussi la justice américaine. La fonctionnaire américaine aurait donné des informations commerciales à Mike Sears sur l'offre de son rival European Aeronautic Defense and Space (EADS), peu avant la signature d'un contrat estimé à 22 milliards de dollars et portant sur le leasing de 100 camions-citernes aériens. Les deux protagonistes auraient de plus tenté de cacher cette affaire, en violation flagrante de la loi fédérale américaine.

Pratiques plus que douteuses

En janvier 2003, une enquête a montré d'autres violations similaires. Boeing a obtenu des informations sur son concurrent Raytheon. Elle en a de plus abusé dans un appel d'offres pour fournir des véhicules militaires destinés au système de défense du Pentagone.

Ces affaires judiciaires s'ajoutent aux difficultés économiques qu'a rencontrées Boeing: la compagnie américaine a perdu, dans les commandes de nouveaux avions, sa place de leader face à son rival européen Airbus. Ensuite, elle a été obligée de prendre à sa charge 1,1 milliard de dollars pour des problèmes relatifs à l'effondrement des commandes dans les satellites commerciaux. En deux ans, le cours de l'action est passé de 68 à 38 dollars. Le départ des exécutifs de Boeing permettra peut-être de faire la lumière sur des pratiques commerciales plus que douteuses.