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Le paysage bancaire allemand se prépare à de violentes secousses

Bruits de fusion, rumeurs de rachat par des investisseurs étrangers: le secteur affaibli par son éclatement négocie sa restructuration. Les banques publiques ne sont pas épargnées par ce mouvement. Leur fébrilité est attisée par la perspective de perdre, dès juillet 2005, leurs garanties étatiques.

«Tout le monde a peur. On ne sait pas ce qui va nous tomber sur la tête.» Un cadre de Dresdner Bank, à Berlin, témoigne du climat lourd qui plombe la banque allemande: l'inquiétude est générale. Distillant rumeurs et confidences, la presse économique évoque chaque jour les secousses programmées. Leader mondial, l'américain Citigroup avalerait tout cru Deutsche Bank, à moins que Credit Suisse ne lui en laisse pas le temps. HypoVereinsbank étudierait son mariage avec la banque de Bavière, ou plutôt avec Commerzbank. Un autre scénario – auquel personne ne croit – serait une méga fusion entre les quatre grandes banques commerciales allemandes.

Les banques publiques ne sont pas épargnées. Leur fébrilité est attisée par la perspective de perdre, dès juillet 2005, leurs garanties étatiques. Pour se préparer au choc imposé par Bruxelles, elles envisagent des partenariats ou des fusions. Même l'ouverture du capital des caisses d'épargne aux banques privées n'est plus un tabou. Résultat: les pourparlers fleurissent aux quatre coins du pays. En Rhénanie, les caisses d'épargne de Cologne, de Düsseldorf et de Bonn étudient une coopération intensive. Les banques régionales de la Rhénanie-Palatinat et du Bade Wurtemberg négocient leur rapprochement sans exclure l'option d'une fusion complète.

Ces spéculations ne font pas que des malheureux. A la Bourse, les banques allemandes caracolent en tête des valeurs à la hausse. Les investisseurs attendent de la consolidation nationale du secteur bancaire une rentabilité accrue des établissements notés. Il faut dire que cette restructuration a pris plus de retard que partout ailleurs en Europe. Les banques allemandes souffrent de leur éclatement. La densité bancaire reste l'une des plus élevées d'Europe (voir graphique).

Une autre particularité est la part dominante dévolue aux banques publiques (banques des Länder et caisses d'épargne communales ou régionales). Ces établissements contrôlent 40% de la banque de détail; les établissements coopératifs 25%. La place laissée aux banques commerciales est marginale. La part de Deutsche Bank ne dépasse pas 7% du marché national. Un résultat qu'atteignent ensemble HypoVereinsbank et Commerzbank.

Cet éparpillement a plutôt profité à la clientèle. Le coût des services bancaires est bas, les banques se contentant de marges très faibles. En comparaison internationale, les banques allemandes travaillent trop cher. Deutsche Bank dépense 70 cents pour chaque euro gagné; Citigroup seulement 41 cents. Les récents programmes de réduction des coûts n'y ont rien changé. La médiocre rentabilité des banques allemandes se reflète dans leur valeur boursière: Deutsche Bank, no 7 mondial pour le chiffre d'affaires consolidé, ne pèse que 34 milliards d'euros à la Bourse, soit le 24e rang mondial. En comparaison, UBS a une valeur boursière de 58 milliards d'euros, et la britannique HSBC 130 milliards. Citigroup, 208 milliards d'euros de capitalisation boursière, pourrait avaler Deutsche Bank comme on engloutit son déjeuner.

«Les investisseurs étrangers sont à nos portes», vient de déplorer Ernst Breuer, le président de l'Association des banques privées allemandes. Son appel au «patriotisme bancaire» sera-t-il entendu? Le patron de Citigroup, Sanford Weill, a sondé Gerhard Schröder en personne lors d'un dîner privé à New York la semaine dernière. Le chancelier allemand n'aurait pas formulé d'objection de principe à une OPA du groupe américain sur Deutsche Bank, à une condition: Citigroup devait déménager son siège européen de Londres à Francfort. C'est du moins ce qui se murmure dans les cercles bancaires. Et comme il n'y a pas de fumée sans feu…