Lauréat de la première édition du Prix Vaudois des entreprises internationales (lire ci-dessous), Nespresso (chiffre d’affaires estimé à 5 milliards de francs, 9500 collaborateurs, actif dans 52 pays (20 à 40 nouvelles boutiques créées chaque année) est un succès salué, envié, concurrencé. Entretien avec son PDG, Jean-Marc Duvoisin, circonscrit à cette innovation vaudoise partie à la conquête du monde.

Le Temps: Que représente ce prix pour vous?

- Jean-Marc Duvoisin: C’est une reconnaissance pour Nespresso et pour ce que nous apportons à l’économie cantonale non seulement en emplois et investissements (700 millions dans les douze dernières années) mais aussi au rayonnement de la région et de la Suisse à travers le monde. Indirectement, cela confirme l’attractivité du canton de Vaud et les bases solides qu’il offre à toute entreprise pour son développement.

Historiquement, c’est dans ce canton que Nespresso a été créé. C’est à Orbe que les premières capsules ont été produites et c’est d’ici que s’est construit cette «success story» qui est une référence, non seulement dans le secteur «food and beverage», mais aussi dans les catégories du luxe, des boutiques, du digital et de la communication.

-Vaud est dans l’ADN du groupe Nestlé. Qui y-a-t-il de vaudois dans l’ADN de Nespresso?

-Nespresso est une recherche continue de la perfection qui appelle plusieurs éléments. D’abord, des collaborateurs de qualité tout au long de la chaîne, un amour du travail bien exécuté, une fierté dans le travail, etc. Nespresso est aussi la démonstration d’une région très innovatrice et qui peut se montrer très créatrice. Pour réussir, Nespresso s’appuie autour d’elle sur beaucoup de PME innovantes, qui apportent idées et solutions dans le domaine du design, des accessoires, de l’innovation technologique, etc.

Ce prix est une reconnaissance de ce que nous avons apporté au canton de Vaud, mais aussi de ce que le canton nous a apporté. Reste à confirmer la continuité de ces conditions-cadre…

-A quoi faites-vous allusion?

-Vaud doit veiller à maintenir les conditions actuelles qui sont attractives. Attention à ne pas créer un environnement plus difficile, par exemple en créant une absence de visibilité notamment sur le marché du travail. Avec mon expérience en Amérique latine, je sais qu’il n’y a rien de pire que de ne pas savoir où l’on va, dans six mois, un an ou deux ans. Je suis inquiet par l’instabilité croissante et par toutes les initiatives ou propositions qui viennent. Pour nous qui sommes très ancrés dans la région, nous sommes plus sereins. Mais d’autres entreprises sises dans la région regardent cela avec étonnement. Nous avons des interrogations sur le marché du travail. Nous avons deux grands sites de production dans le canton et nous avons des préoccupations quant à la possibilité de pouvoir garder ou accéder à une main d’œuvre étrangère très qualifiée.

- Où vont se faire vos prochains développements à l’international?

-Aujourd’hui, nous avons de belles présences en Suisse, Autriche, France et Espagne. Nous avons un bon ancrage mais encore un potentiel intéressant en Italie, Angleterre et Allemagne. L’Europe de l’Est et la Russie offrent de grandes perspectives de développement. Mais nul doute que le pays à plus gros potentiel est les Etats-Unis. C’est un marché de l’ordre de 5 milliards de chiffre d’affaires. La consommation de café en capsule y est encore très faible par rapport à la consommation de café en général. Mais le mouvement est lancé.

-Est-ce un marché plus difficile que d’autres?

-Non, c’est la taille du marché qui représente un défi. Par contre, c’est un marché où l’innovation et les nouvelles propositions de consommation pénètrent rapidement.

-La prochaine usine Nespresso sera-t-elle aux Etats-Unis?

-Nespresso compte deux usines de production. La troisième, à Romont, sera ouverte à mi-2015. Et elle sera la troisième pour de nombreuses années... Nous n’aurons pas besoin d’une quatrième usine avant pas mal d’années. Nous verrons alors où seront nos centres de fort développement de ventes. Peut-êttre que ce seront les Amériques. Et dans ce cas un investissement aux Etats-Unis s’imposera. Pour l’heure, nous sommes très satisfaits de notre choix de la Suisse, au cœur de l’Europe. Nous disposons de bonnes dessertes de communications, notamment ferroviaires entre le port d’Anvers, où arrive l’essentiel du café, et nos usines. La proximité géographique de nos usines offrent aussi des synergies.

-Quel est le potentiel de croissance du café en dosettes?

-Il est de l’ordre de 20% par an en Europe et même de 40% aux Etats-Unis. Nous sommes nombreux sur ce marché en forte croissance. Nous l’avons créé, mais la concurrence y est vive.

-Conduire Nespresso, après avoir dirigé les RH du groupe Nestlé, est-ce diriger l’un des joyaux de la couronne du groupe ?

- Il y a beaucoup de belles entreprises dans le groupe Nestlé. Et Nespresso est l’une d’ entre elles. Gérer le marché andin ou mexicain a été pour moi l’occasion de diriger de belles entreprises. Nespresso offre un modèle de fonctionnement différent, avec une gestion globale et centralisée de l’ensemble du monde à partir du canton de Vaud. C’est une entreprise innovatrice, très visible, très regardée aussi, avec une marque forte qui accompagne chaque consommateur. Nous avons l’habitude de dire ici que Nespresso appartient au consommateur. Il faut donc avoir beaucoup de respect et d’humilité dans cette situation…