Ce n’est pas tout. Outre la menace de porter à 450 milliards de dollars la valeur des produits chinois importés aux Etats-Unis qui seraient frappés de tarifs supplémentaires , ces derniers s’apprêtent à ouvrir un nouveau front. Selon des sources liées à la Maison-Blanche et citées par l’agence Bloomberg, Washington prépare en effet un plan pour limiter les investissements chinois dans la haute technologie aux Etats-Unis. Cette mesure interdirait tout rachat ou prise de position notamment dans les véhicules électriques, la robotique ou l’aérospatial. Et ce au nom de la sécurité intérieure du pays. Selon Bloomberg, cette mesure devrait être annoncée vendredi. La nouvelle a effrayé les marchés financiers, qui ont enregistré d’importantes baisses lundi.
Mauvaise réputation de la Chine
La première mesure préventive chinoise consiste à revoir à la baisse le niveau des fonds propres de grandes banques, plus particulièrement celles qui soutiennent les petites et moyennes entreprises chinoises exportatrices. Ce sont 100 milliards de dollars qui sont ainsi libérés et qui peuvent alimenter leur financement. «L’idée n’est pas de subventionner la production ou les exportations», analyse Howard Yu, professeur de stratégie à l’IMD, la haute école de management de Lausanne. Selon lui, la Chine a déjà une mauvaise réputation en matière de subventions publiques aux entreprises et de concurrence déloyale. «Il ne serait pas dans son intérêt de poursuivre dans cette voie», poursuit-il.
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A ce propos, Nicolas Musy, de Swiss Centers China, fait remarquer qu’une vraie inquiétude a gagné les PME chinoises ou étrangères basées en Chine: perdre le marché américain. «Elles craignent que les clients américains n’aillent s’approvisionner dans d’autres pays asiatiques, témoigne-t-il. Elles espèrent que les autorités chinoises trouvent un compromis avec Washington et évitent le pire.»
Une commande de 184 Airbus
Autre mesure phare prise par Pékin: diversifier les sources d’approvisionnement de produits et des services, ce qui pénaliserait des exportateurs américains. Un premier exemple concerne l’industrie aéronautique. En mission commerciale en Chine durant le week-end, le premier ministre français, Edouard Philippe, ne rentre pas les mains vides. En plus d’avoir conclu de multiples accords, notamment sur la viande de bœuf européenne et le nucléaire, il a également progressé dans les négociations pour «le rachat d’avions Airbus en quantité» au détriment du concurrent américain Boeing. Il serait en effet question d’une commande de 184 Airbus A320.
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De la même façon, Pékin a déjà entamé des négociations pour s’approvisionner en soja en plus grande quantité au Brésil, au grand dam des cultivateurs américains du Midwest. Comme mesure de rétorsion, Pékin a déjà annoncé l’imposition d’une surtaxe sur le soja américain. Mais cette mesure, qui renchérirait le prix, pénaliserait les ménages et les industriels chinois.
Soja et viande de porc
«Le surcoût pourrait être répercuté sur les consommateurs finaux ou réparti dans la chaîne de production», estime Nicolas Musy. Mais, pour Howard Yu, il pourrait provoquer la colère de la population car un soja plus cher aurait des conséquences en cascade, notamment sur le prix de la viande de porc, produit de grande consommation en Chine. En effet, les tourteaux de soja y constituent l’un des principaux aliments dans l’élevage.
A présent, la Chine absorbe 65% des exportations mondiales de soja et constitue un débouché incontournable pour les producteurs américains. Selon le South China Morning Post, un quotidien publié à Hongkong, des importateurs chinois ont déjà annulé des commandes auprès de leurs fournisseurs américains. Mais le journal affirme aussi que la Chine ne peut pas vraiment compter sur le Brésil: celui-ci ne dispose pas des capacités pour satisfaire des commandes supplémentaires.
Dernière mesure, les autorités chinoises entendent se renforcer dans le marché asiatique. Selon Howard Yu, l’initiative «Une ceinture une route», qui prévoit des investissements colossaux, offre un débouché par excellence à l’acier et à l’aluminium, dont les exportations sont désormais pénalisées aux Etats-Unis. Dans ce même registre, l’Union européenne a mis en place des dispositions afin que le surplus chinois ne soit pas déversé à bas prix sur son marché.