A Umbelezi, bourgade à une quarantaine de kilomètres au sud du Maputo, en direction de l'Afrique du Sud, Luis Negrao est le propriétaire de deux immenses plantations de pamplemousses. L'une appartenait à une famille portugaise et l'autre à une famille italienne durant la colonisation. Elles ont été nationalisées au lendemain de l'indépendance en 1975 et par la suite, négligées à cause de la guerre. Luis Negrao est pilote d'avion et économiste de formation lorsque l'Etat décide de privatiser l'entreprise en ruine en 2003. Dès cette année, «Citrinos do Umbeluzi» exporte en Grande Bretagne, en Italie, en Russie et dans les pays du Golfe.
Le Mozambique revient de loin. En partant au moment de l'indépendance, des colons portugais ne font pas de cadeaux aux indigènes. Par exemple, les propriétaires de l'ancien hôtel Quatro Estacios, situé dans la capitale, coulent du béton dans le réservoir d'eau et dans la cage de l'ascenseur. Ensuite, le pays bascule dans une guerre civile soutenue par l'Afrique du Sud d'alors. Après la fin de l'apartheid et faute de parrain, la guérilla signe un accord de paix. Le pays fait alors ses premiers pas sur le chemin de la reconstruction politique et économique.
Douze ans après, le Mozambique n'est de loin pas sorti de l'ornière. En ville, les jeunes n'ont pas de travail. Ils se débrouillent en s'improvisant marchands ambulants ou porteurs. En bandes organisées, ils se battent pour laver et surveiller les voitures en stationnement. Dans les régions rurales, le paludisme, première cause de mortalité, tue un enfant tous les quarts d'heure. Le sida touche 20% des villageois. Les routes sont inexistantes. Les écoles sont rares. Bref, le Mozambique est l'un des pays parmi les plus pauvres au monde. Au classement 2003 du développement humain de l'ONU, il occupe le 170e rang sur une liste de 175 pays.
Une croissance de 5 à 12%
Et pourtant. Grâce aux investissements étrangers et locaux, le pays renaît. Le taux de croissance a été de 5 à 12% ces dernières années. De nouveaux immeubles – hôtels, restaurants, logements, supermarchés – sont en construction dans la capitale. Mais c'est surtout dans les régions rurales que les Mozambicains se mettent au travail. Le nombre de postes de radio, de téléviseurs, de bicyclettes vendus explose. Ces dernières sont d'une grande importance. Dans un grand pays où les habitations sont isolées, elles permettent aux paysans de venir vendre leurs légumes et fruits au bord des routes ou aux marchés.
Pour Rui Gonzales, entrepreneur, il ne fait pas de doute que la confiance est de retour. Pour preuve, les pays attirent aussi des investissements internationaux. A l'instar de Mosal, une multinationale d'origine australienne. Cette société minière a construit une fonderie géante près du port de Maputo en 2003. Elle y traite l'alumine, un extrait de bauxite, pour produire des feuilles d'aluminium. Celles-ci sont exportées aux quatre coins du monde. Attirée par le bas prix de l'électricité au Mozambique, l'entreprise y a investi 1,2 milliard de dollars. Elle devrait rapidement doubler sa capacité de production à 500 000 tonnes par année. Et il salue le nouveau président mozambicain Armando Guebuza, élu en février dernier, qui a promis de dédoubler la lutte contre la bureaucratie, la corruption et le «Deixa Andar», soit une indulgence et une insouciance à l'extrême propres au Mozambique.