«Les petites structures ont tardé à se rendre compte de la réalité de Fatca»
fiscalité
Les intermédiaires financiers suisses ont jusqu’au 25 avril pour s’enregistrer auprès de l’IRS, le fisc américain. Faute de quoi, ils risquent une amende pouvant s’élever à 250 000 francs
La semaine dernière, le référendum contre l’accord Fatca a échoué; ses opposants n’ayant pu récolter les 50 000 signatures nécessaires. A l’avenir, les établissements financiers suisses devront donc transmettre aux autorités américaines des données sur leurs contribuables. Avocat de formation et fournisseur de services réglementaires aux intermédiaires financiers de petites tailles, Guillaume de Boccard fait le point sur la situation.
Le Temps: Quelles sont les prochaines échéances concernant Fatca?
Guillaume de Boccard: La date clé sera le 1er juillet 2014 lorsque Fatca entrera en vigueur. Prévue initialement pour janvier 2014, celle-ci a été repoussée: les Américains n’étaient pas prêts, techniquement, à gérer la quantité d’informations qu’ils s’apprêtaient à recevoir. Pour les intermédiaires financiers suisses devant s’inscrire auprès de l’IRS [ndlr. le fisc américain], le 25 avril 2014 est désormais le délai d’enregistrement pour figurer sur la première liste des établissements financiers étrangers (FFI List) qui sera publiée début juin.
– Quels sont les établissements qui doivent s’enregistrer?
– Tous ceux qui ne sont pas au bénéfice d’une exemption. D’une part, il s’agit des établissements dits «rapporteurs»; soit ceux qui devront transmettre les données aux Etats-Unis. Cette catégorie concerne principalement les banques dépositaires auprès desquelles les comptes de clients sont enregistrés. D’autre part, il y a les établissements «réputés conformes» (Registered Deemed Compliant), tels que les gérants de fortune. Ceux-ci devront également s’enregistrer auprès de l’IRS. Mais étant considérés comme des acteurs financiers représentant un risque d’évasion fiscale limité, n’étant pas dépositaire des avoirs, ils seront libérés des obligations de reporting et de retenue à la source déjà assumées par les banques.
– Une exemption négociée par la Suisse qui a obtenu la signature d’un modèle 2 de Fatca?
– Pour une fois, on peut se réjouir que Berne ait pris les devants et réalisé qu’un accord négocié, avec quelques ajustements, valait mieux que pas d’accord. Même si ces ajustements ne sont pas extraordinaires – un sujet fiscal américain devra toujours être annoncé à l’IRS – ils ont l’avantage d’apporter un peu de sécurité dans l’application de l’accord. Et faire notamment bénéficier les 2000 gérants indépendants que compte la Suisse d’un statut allégé.
– Que risquent les acteurs qui ne s’enregistreraient pas à temps?
– Une amende allant jusqu’à 250 000 francs en vertu de la Loi Fatca suisse. De plus, ces établissements pourraient être catégorisés comme «non participants» – bien que cela ne soit pas autorisé par l’accord Suisse-Etats-Unis du mois de février 2013 – et à terme avoir leurs données bancaires transmises anonymement à l’IRS, voire même subir une pénalité de 30% sur tous les flux d’origine américaine. Le plus préoccupant serait toutefois de se retrouver exclu du système. Car des grandes banques dépositaires aux gérants indépendants, tout le monde s’assurera que les établissements avec lesquels ils traitent seront conformes à Fatca.
– La place financière suisse est-elle prête à passer à l’ère Fatca?
– Pour ce qui concerne l’enregistrement, les grands établissements sont prêts. D’autant qu’ils s’étaient préparés pour une entrée en vigueur début 2014. Désormais, ils doivent vérifier que tous les comptes appartenant à des Américains et ouverts avant juillet 2014 sont traités conformément à la loi. Les échéances oscillent entre le 30 juin 2015 et le 30 juin 2016 selon la taille des comptes. Je suis davantage inquiet pour les petites structures, qui ont tardé à se rendre compte de la réalité de Fatca. Certains pensaient ne pas être concernés alors que d’autres étaient dans tout simplement dans le déni. Et pensaient que la loi n’entrerait jamais en vigueur. Aujourd’hui, ces acteurs, dont certains n’ont jamais été régulés auparavant, vont devoir prendre des mesures auxquelles ils ne sont pas habitués.
– La vérification des comptes pour les banques dépositaires leur demande un travail conséquent?
Oui, surtout que les compétences Fatca ne sont pas très répandues sur le marché. Vous pouvez imaginer que si les grands établissements recourent, chacun, à une dizaine d’experts provenant des principaux cabinets d’audit, il n’en reste plus forcément beaucoup de libre pour aider les plus petites banques à mettre en place les procédures nécessaires.
– Qu’en est-il du coût de la mise en place de ces procédures?
Les grandes banques de la place genevoise ont dû engager une trentaine de personnes simplement pour procéder à la revue des comptes. Trente personnes sur deux ans. Si l’on ajoute à cela une dizaine de consultants qui travaillent à plein-temps et qui doivent facturer entre 2000 et 5000 francs la journée, on peut imaginer un coût relativement important. Toutefois, les banques suisses ont pu bénéficier d’un certain avantage sur leurs concurrentes étrangères: la mise en place de Rubik. En effet, on retrouve avec Rubik des processus très similaires – identification des ayants-droits économiques en fonction des critères de nationalité, prélèvements à la source – qui ont pu être répliqués pour Fatca. Et qui pourront l’être quand il s’agira de passer à l’échange automatique d’informations.