Petrobras: Berne récupérerait 200 millions de dollars
Corruption
Le groupe brésilien de BTP est sur le point de conclure un accord à plusieurs milliards de dollars avec la justice brésilienne. Une partie non négligeable pourrait être reversée à la Suisse où les infractions de blanchiment ont été commises

C’est un nouveau tournant dans l’affaire de corruption Petrobras qui ébranle le Brésil depuis plus de deux ans. Le groupe de construction Odebrecht, qui est au cœur du scandale pour avoir soudoyé durant des années des hommes politiques et des dirigeants de l’entreprise pétrolière étatique Petrobras dans le but d’obtenir de juteux contrats, serait sur le point de passer un accord avec la justice brésilienne.
Cet accord, dont le montant avoisinerait les 2 milliards de dollars (1,98 milliard de francs), devrait être finalisé dans les prochains jours. En échange du paiement de cette amende record, le groupe Odebrecht pourrait à nouveau participer aux concours en vue d’obtenir des contrats gouvernementaux, un marché dont il était exclu depuis 2014. Il a d’ores et déjà reconnu, dans un communiqué de presse publié jeudi, avoir recouru à des «pratiques inadaptées» et promis de lutter contre toute forme de corruption à l’avenir.
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Ce n’est pas tout. Comme l’indique notamment le Wall Street Journal vendredi, quelque 77 anciens dirigeants et cadres d’Odebrecht, dont l’ancien président Marcelo Odebrecht, ont commencé à signer des accords individuels de collaboration («plea bargain») avec la justice brésilienne en échange de remises de peine. Ils accepteraient ainsi de livrer les noms d’hommes politiques corrompus. Un ancien directeur aurait, à titre d’exemple, vu sa peine passer de 19 ans de prison à 7 années d’arrêt à domicile.
Conséquences en Suisse
Ces avancées sur le front judiciaire au Brésil ne devraient pas rester sans conséquences pour la Suisse, où une grande partie de l’argent issu de la corruption a été cachée et blanchi durant des années. Selon la presse brésilienne, quelque 200 millions de dollars pourraient ainsi être remis prochainement à la justice suisse. Ils correspondraient à la partie de l’amende qui concerne les infractions commises sur sol suisse. Une autre partie, plus importante encore, devrait être remise aux Etats-Unis pour la même raison.
Contacté vendredi, le Ministère public de la Confédération (MPC) n’a pas souhaité commenter ce montant. Il a simplement souligné que l’accord au Brésil représentait «un premier pas crucial dans une séquence d’actions coordonnées de la part des autorités brésiliennes, américaines et suisses».
Rôle primordial de la justice suisse
Des questions demeurent donc, notamment au sujet des enquêtes qui ont été ouvertes en Suisse depuis 2014 à l’encontre du groupe Odebrecht mais aussi d’une dizaine d’anciens dirigeants du groupe. Ces procédures vont-elles être abandonnées? Ou, à l’inverse, des personnes physiques voire morales, ce qui n’est pas possible au Brésil, seront-elles condamnées en Suisse pour corruption? Si le MPC n’a pas souhaité s’exprimer davantage sur le dossier pour le moment, il pourrait le faire dans les semaines, voire les jours qui viennent.
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En attendant, une chose est sûre: l’avancée qu’est sur le point de connaître l’affaire Petrobras au Brésil doit beaucoup à l’aide apportée par la justice suisse. Et notamment aux milliers de documents bancaires saisis à Genève, Zurich et Lugano, et qui ont été transmis à la justice brésilienne.
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Arrêté en juin 2015, Marcelo Odebrecht n’a accepté le principe d’une collaboration avec la justice brésilienne qu’au mois de mai dernier. Quatre mois plus tôt, fin février, un responsable de son groupe se faisait arrêter sur sol suisse alors qu’il tentait de vider le solde d’un compte en banque. Après avoir été «auditionné de façon soutenue, ce citoyen brésilien a bénéficié d’une libération sous conditions en mai 2016», expliquait cet été au Temps le MPC. Selon nos informations, il serait depuis retourné au Brésil.