La nouvelle est tombée mercredi soir, à la surprise générale. Réunis à Alger, les 14 pays membres de l’OPEP, qui produisent plus de 40% du brut mondial, sont parvenus à un projet d’accord pour réduire leur production. De 33,47 millions de barils par jour (mbj) au mois d’août, elle sera ramenée à un niveau de 32,5 à 33 mbj. Cette mesure, obtenue après six heures de réunion et des mois de tractations, est la première du genre annoncée par le cartel depuis la crise financière en 2008.

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Pour les pays producteurs, l’objectif est de faire repartir les prix du pétrole à la hausse. Car depuis plus de deux ans, c’est la dégringolade. Le baril de brent, qui valait plus de 110 dollars en juin 2014, a chuté à moins de 30 dollars début 2016. Il coûte actuellement moins de 50 dollars. En cause: l’augmentation de la production de pétrole de schiste aux Etats-Unis et le retour sur le marché mondial des bruts iranien et libyen.

«C’était une très longue réunion, mais historique», a déclaré le ministre qatari de l’Energie et président de la réunion, Mohamed Saleh Al-Sada, lors d’une conférence de presse. Et ce dernier de préciser que les pays de l’OPEP se devaient d’intervenir pour «accélérer le rééquilibrage du marché», et cela malgré les signes positifs (baisse des stocks, demande robuste) observés ces derniers mois.

«Un échec le 30 novembre serait désastreux»

Les modalités de l’accord seront discutées lors du sommet de l’OPEP à Vienne, le 30 novembre prochain. Un comité de haut niveau doit notamment être mis en place pour déterminer les niveaux de production applicables à chacun des pays. Et entamer le dialogue avec des pays non-membres, dont la Russie principalement, pour qu’ils participent eux aussi à l’effort de rééquilibrage.

«Se mettre d’accord sur les éléments d’un accord est une chose, accepter des niveaux de production maximaux en est une autre, prévient Francis Perrin, directeur de la revue Pétrole et gaz arabes. Cela dit, l’OPEP a fait monter la pression sur elle-même. Un échec le 30 novembre serait désastreux et durement sanctionné par les marchés.»

Jusqu’ici, l’Arabie Saoudite, premier producteur mondial et leader du cartel, s’était opposée à tout gel de la production, préférant défendre ses parts de marchés et ouvrir grands ses robinets. C’est que Ryad ne voulait surtout pas faire le jeu de son grand rival iranien, de retour sur les marchés après la levée des sanctions, en faisant monter les prix.

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Sauf que la situation est devenue intenable pour le Royaume saoudien dont 73% des revenus sont issus du pétrole et qui a déjà été contraint de prendre des mesures d’austérité sans précédent après le déficit record enregistré l’année passée.

Concession majeure à Téhéran

Ryad a donc fini par assouplir sa position à tel point qu’elle a fait mercredi une concession verbale majeure en indiquant que l’Iran, ainsi que la Libye et le Nigeria, ne serait pas tenu par l’accord. «C’est une ouverture nouvelle et importante, souligne Francis Perrin. Cependant, nous avons encore besoin de chiffres pour vérifier si Téhéran a obtenu ce qu’il voulait, à savoir retrouver son niveau de production d’avant crise, soit 4 mbj contre 3,7 mbj actuellement, avant d’accepter de faire une pause.»

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En attendant une réponse définitive, le 30 novembre à Vienne, le ministre iranien du pétrole Bijan Namdar Zanganeh s’est dit «très heureux» de la décision de l’OPEP. Quant au président Hassan Rouhani, il s’est fendu d’un tweet laconique dans lequel il se félicite que malgré la chute des prix du pétrole, son pays est «parvenu à mettre de côté 20% de ses revenus [pétroliers] sans puiser dans ses économies».

De leur côté, les analystes restaient dubitatifs jeudi matin. Pour Goldman Sachs, ce recul de la production, pour autant qu’il se confirme, pourrait entraîner une hausse des prix de l’ordre de 7 à 10 dollars par baril. La banque américaine n’a toutefois pas changé ses anticipations des cours sur le long terme (43 dollars le baril de WTI pour la fin 2016 et 53 dollars pour la fin 2017), rappelant qu’historiquement le respect des quotas était lié à une baisse de la demande mondiale de pétrole. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.