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Recherchées par les investisseurs en temps de crise, les actions de la plupart des sociétés pharmaceutiques ont échappé en 2022 au marasme boursier. Après deux années hors du commun marquées par le développement extrêmement rapide de traitements et surtout de vaccins anti-covid, les grandes entreprises pharmaceutiques s’attendent toutefois désormais à voir la rentabilité de leurs investissements dans la recherche et le développement (R & D) chuter lourdement.

Selon une étude publiée par Deloitte lundi matin, le rendement moyen attendu pour les investissements dans ses activités a ainsi dégringolé de 6,8% en 2021 à 1,2% à peine l’an dernier. Il s’agit de la valeur la plus basse observée depuis 2010, date du début des recensements annuels opérés par la société d’audit et de conseil. Elle décortique des données fournies par vingt géants du secteur dont Novartis et Roche, mais aussi Astrazeneca, Pfizer ou encore Merck.

139 milliards investis par les 20 plus grandes compagnies

L’industrie retrouve ainsi la tendance déclinante qui prévalait avant la pandémie. Les vingt plus grandes entreprises pharmaceutiques ont dépensé 139 milliards de dollars pour la recherche et le développement de nouveaux médicaments et traitements en 2022, soit un recul de 2% par rapport à 2021.

Le temps de développement moyen des nouveaux médicaments – du lancement des études cliniques à l’homologation – s'est allongé de deux mois, passant de 6 ans et neuf mois en 2021 à 7 ans et un mois en 2022, la deuxième durée la plus longue observée depuis le début de l’étude. En raison de l’allongement des temps de développement, les coûts moyens de mise au point d’un nouveau médicament ont augmenté de 298 millions de dollars en 2022, pour atteindre 2,3 milliards de dollars. Selon les estimations de la société de conseil, le pic de chiffre d’affaires prévisionnel par substance active a également diminué, d’un quart, pour s’établir à environ 389 millions de dollars.

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Un effondrement plus important qu’attendu

«Un recul des rendements sur les investissements de recherche était certes inévitable après une année 2021 aussi particulière, tant celle-ci a été marquée par la pandémie de coronavirus», relève Nico Kleyn, associé en charge du département Santé et Sciences de la vie de Deloitte pour la Suisse, dans le communiqué de presse publié lundi matin. Selon lui, personne ne s’attendait toutefois à un tel effondrement: «Même sans compter les vaccins et les thérapies contre le COVID-19, le retour sur investissements était deux fois plus élevé en 2021 qu’il ne l’a été ensuite en 2022». «Notre analyse montre que le développement de nouvelles thérapies dure plus longtemps, coûte plus cher et génère moins de chiffre d’affaires», complète Alexander Mirow, associé en charge du département Conseil sciences de la vie de Deloitte Suisse.

Repenser la R & D

A ses yeux, les départements de recherche des entreprises pharmaceutiques doivent dès lors repenser tout le processus des essais cliniques: «Les études basées sur un concept qui attribue une place centrale aux patientes et patients et implique de façon ciblée des technologies numériques et des outils de gestion de données innovants offrent une valeur ajoutée bien plus grande pour toutes les parties impliquées.»

A en croire les auteurs de l’étude, une telle adaptation des procédés et processus entraînera un gain de rentabilité important, encouragera la prise de décisions scientifiquement fondées et accroîtra l’égalité des chances. Adopter une approche numérique réduit aussi, relèvent-ils, l’impact environnemental de la recherche en diminuant la fréquence des voyages.

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