Chimie
En août dernier, le géant allemand de la chimie liait son destin au polémique Monsanto. Depuis, sa valeur boursière et sa réputation s’effondre. La colère gronde parmi les actionnaires alors que son assemblée générale se tient vendredi

L’ambiance devrait être «exécrable» ce vendredi à Bonn. C’est en tout cas ce que prédit Marc Tüngler, le secrétaire général de l’association allemande de protection des actionnaires (DSW) à la veille de l’assemblée générale du groupe allemand Bayer, la première depuis l’acquisition pour 56 milliards d’euros du géant de l’agrochimie américain Monsanto.
Les actionnaires sont remontés. Depuis l’été dernier, Monsanto a été condamné à deux reprises, par des jurys populaires aux Etats-Unis, à verser plusieurs dizaines de millions de dollars de dommages et intérêts à deux malades atteints du cancer. En France, un agriculteur a lui aussi remporté une victoire, en avril.
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Dans les trois cas, le semencier américain est accusé de ne pas avoir averti des risques cancérogènes liés à l’usage de son produit phare, le Roundup, désherbant à base de glyphosate. Cette série de revers judiciaires pourrait se poursuivre – 13 400 procédures sont en cours contre le géant américain, selon un décompte donné jeudi par Bayer.
Valeur inférieure au prix d’achat
Pour les actionnaires, l’acquisition de Monsanto a déjà de lourdes conséquences. Depuis la première condamnation, l’action Bayer a perdu 40% de sa valeur. Le groupe allemand a perdu 37 milliards d’euros de capitalisation boursière et vaut désormais 51 milliards d’euros, soit moins que la somme déboursée pour acquérir Monsanto. «Bayer pourrait devenir une proie pour des investisseurs extérieurs», estime même Lars Schweizer, de l’Université Goethe de Francfort.
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«Les relations avec la direction se sont énormément dégradées», résume de son côté Marc Tüngler. «D’un côté, les dirigeants demandent du temps; de l’autre, les actionnaires s’inquiètent de la dégringolade de la valeur de leurs titres. Ils se demandent quand cela va s’arrêter! Au vu des résultats actuels, l’acquisition de Monsanto était une erreur. N’oublions pas qu’il y a un an et demi, Bayer était la valeur la plus forte de la bourse allemande», rappelle Marc Tüngler.
«Il n’existe pas d’entreprise plus détestée au monde que Monsanto. Les effets de cette acquisition sur la réputation et l’image de Bayer sont immenses. La direction a sous-estimé cet enjeu auprès du grand public», regrette-t-il. Avant cette opération, le groupe allemand basé à Leverkusen jouissait d’une bonne image, grâce à sa production de l’aspirine et sa recherche dans la lutte contre le cancer.
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Le président-directeur général de Bayer, Werner Baumann, pourrait donc être mis en difficulté ce vendredi. Les sociétés de conseil ISS et Glass Lewis, ainsi que le groupe Deka Investment, qui possède 1% du capital du groupe, appellent les actionnaires à refuser leur soutien au directoire. L’association DSW appelle, elle, à un report du vote afin d’éviter une «escalade de la tension».
Ventes de Roundup en hausse
Werner Baumann, lui, maintient le cap. «Le glyphosate est un produit sûr qui ne pose pas de risque de cancer s’il est utilisé correctement», répétait-il récemment au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung. «L’acquisition de Monsanto était la bonne décision et nous avons agi avec le plus grand soin», soutient-il.
La publication ce jeudi des résultats du groupe au premier trimestre 2019 calmera-t-elle la colère des actionnaires? Bayer fait état d’une hausse de 4% de son chiffre d’affaires (13 milliards d'euros). En tenant compte de Monsanto, la croissance atteint 42,3%, même si les coûts liés au rachat ont pesé sur le bénéfice net (-36%). Les ventes de Roundup progressent aussi, surtout en Amérique du Sud.