Les ingrédients des vaccins anti-covid et leur fonction
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Les formulations de Moderna et de Pfizer/BioNTech contiennent chacune des matières grasses, un principe actif, des sels et du sucre. Chaque composé joue un rôle essentiel et est largement accessible au sein de l’industrie

Un comité consultatif d'experts a recommandé, jeudi, l'autorisation d'urgence aux Etats-Unis du vaccin de la société Moderna. Après cet avis non contraignant, ce sera à l'agence américaine des médicaments (FDA) d'accorder son feu vert, ce qui devrait intervenir très rapidement et ferait de Moderna le deuxième vaccin à être autorisé dans un pays occidental.
Les vaccins de Moderna et de Pfizer/BioNTech sont à ARN messager (ARNm), une technologie étudiée depuis des décennies mais qui n’avait jamais été mise sur le marché avant le 8 décembre dernier, quand la campagne de vaccination de Pfizer/BioNTech a débuté au Royaume-Uni. Elle consiste à transmettre à des cellules du corps humain un code génétique, l’ARNm, qui permet aux ribosomes de synthétiser une protéine à même de déclencher une réponse immunitaire face au virus.
Le vaccin de Moderna contient, en plus d’un principe actif, quatre types de lipides et des additifs comme des sels et du saccharose, un sucre. La liste des ingrédients du vaccin de Pfizer/BioNTech est similaire. Les proportions et les recettes, tenues secrètes, doivent par contre différer.
Nombreux lipides
Prenons l’exemple de la formulation de Pfizer/BioNTech. Elle repose sur la construction d’un assemblage supramoléculaire contenant le principe actif (BNT162b2, une séquence d’ARNm) et des lipides. L’architecture de base de cet assemblage se présente sous la forme de particules de dimensions nanoscopiques (de l’ordre d’un dixième de millionième de mètre). L’enveloppe de ces nanoparticules est composée de deux lipides, un phospholipide et du cholestérol et se présente sous forme d’une membrane similaire à celle d’une cellule biologique anodine.
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Un troisième lipide, recensé sous l’abréviation ALC-0315, possède des groupes aminés capables de présenter une charge positive: ces lipides cationiques s’associent à l’ARNm (car il est chargé négativement), ce qui facilite l’incorporation de l’ARNm dans les nanoparticules lipidiques et sa délivrance au sein du cytoplasme cellulaire. Un quatrième lipide (ALC-0159) comporte notamment un polymère hydrophile qui stabilise les nanoparticules.
Ces nanoparticules lipidiques (LNP) évoluent dans un milieu aqueux, dit tampon phosphate salin, composé de chlorure de sodium, de dihydrogénophosphate de potassium, d’hydrogénophosphate de sodium et de chlorure de potassium. Ces différents sels permettent de contrôler l’acidité du milieu, à une valeur proche de la neutralité.
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On y trouve aussi une grosse quantité de saccharose. Ce sucre cryoprotectant permet au vaccin d’être conservé à basse température sans risque qu’il ne se détruise, en particulier lors de sa décongélation. Le vaccin de Pfizer/BioNTech peut ainsi être conservé à -70°C. Le saccharose s’associe aux molécules d’eau et les empêche de former des cristaux de glace. Elles restent dans un état vitreux préservant l’organisation des lipides et de l’ARNm au sein des LNP.
Le rôle des nanoparticules lipidiques
Les LNP servent de transporteur non toxique pour l’organisme et de protecteur de la substance active lors de son administration. La substance active (l’ARNm) est ainsi véhiculée jusqu’au compartiment intracellulaire selon un processus dit d’endocytose (inclusion de la nanoparticule entière dans un endosome, sorte de petite poche formée à partir d’un fragment de membrane cellulaire), où elle est libérée sous sa forme intègre et donc active. «Réussir à conditionner cet ARNm au sein d’une formulation contrôlée propice à être captée par les cellules du corps humain sans perte de son activité est la grande plus-value de ces vaccins», estime Sylviane Lesieur, une chimiste spécialisée en lipides au CNRS.
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Les ingrédients utilisés pour la formulation de ces vaccins figurent parmi les composants déjà identifiés pour la fabrication de dispersions aqueuses de LNP administrables dans l’organisme. La plupart d’entre eux sont aisément accessibles, le verrou technologique reposant surtout sur le conditionnement et le rendement d’incorporation de l’ARNm au sein des LNP tout en préservant la fonctionnalité de ce dernier en tant qu’agent codant.
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