Pour la première fois en Europe, une opposition lancée par des ONG dans le domaine des brevets pharmaceutiques a abouti à une révocation. Lundi, les organisations Public Eye et Médecins du monde ont annoncé que Novartis avait renoncé à ses droits sur le Kymriah, une thérapie utilisée contre certains cancers du sang.

«Novartis et l’Université de Pennsylvanie ont convenu que le brevet qui fait l’objet d’une opposition n’est pas essentiel au développement du Kymriah et la décision a été prise d’y renoncer», confirme un porte-parole du groupe bâlois, que nous avons sollicité.

Thérapie inédite

Tout commence en 2011, quand l’Université de Pennsylvanie dépose un brevet sur un traitement oncologique prometteur. Cette prestation médicale, qui sera baptisée Kymriah, consiste à prélever des globules blancs du patient, les reprogrammer génétiquement afin qu’ils attaquent les cellules cancéreuses, avant de les réinjecter dans le corps du patient.

En 2012, Novartis obtient la totalité des droits pour le commercialiser. En août 2017, le Kymriah est approuvé par la FDA, l’instance qui autorise la mise sur le marché de médicaments aux Etats-Unis. En Suisse, Swissmedic donne son feu vert en octobre 2018. Le traitement demeure à ce jour peu utilisé mais il reste prometteur. En Suisse, Novartis facture 370 000 francs par injection.

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Exorbitant, selon les deux ONG. Public Eye et Médecins du monde introduisent en juillet 2019 une opposition contre l’un des brevets du Kymriah auprès de l’Office européen des brevets (OEB), à Munich, dont les décisions s’appliquent aussi en Suisse. Elles estiment que Novartis n’a rien inventé, cette prestation médicale reposant surtout sur des recherches et des financements publics.

«Sa révocation représenterait un signal fort en matière de politique de santé contre l’utilisation abusive des droits de propriété intellectuelle et l’explosion incontrôlée des prix des médicaments», estimaient les ONG dans un communiqué cet été. Elles s’attendent à un long combat.

Eh bien non. Fin novembre, Novartis et l’Université de Pennsylvanie demandent la révocation du brevet en question à l’OEB, qui la lui accorde le 9 décembre. En septembre, Novartis avait déjà renoncé à une demande portant sur un autre brevet autour du Kymriah.

76 millions en 2018

Victoire pour les ONG? Presque, car le Kymriah demeure protégé par un autre brevet. Le renoncement de Novartis ne permet pas de produire de versions identiques du traitement, mais il renforce tout de même la capacité de la concurrence à produire des versions similaires à moindre coût.

Comme la commercialisation d’un traitement n’est pas liée à un brevet, la révocation du Kymriah n’a aucune influence sur sa disponibilité sur le marché. Sur les neuf premiers mois de 2019, ce traitement a rapporté 182 millions de dollars au groupe bâlois, selon Novartis. Lundi, l’action du groupe bâlois a clôturé à 91,53 francs, en hausse de 0,35%.