Perplexité autour de masques et d’autotests peu fiables en Suisse
Covid-19
AbonnéLes témoignages se multiplient autour de tests aux résultats erronés et de masques à l’efficacité douteuse. C’est que les exigences en matière de contrôle qualité se sont assouplies avec les pénuries engendrées par la crise sanitaire. Explications

Si plusieurs mesures liées à la pandémie devraient tomber ces prochains jours, le port du masque devrait rester obligatoire. Or en Suisse, il est beaucoup question en ce début d’année de masques de qualité moyenne et de tests de diagnostic aux résultats peu fiables. En janvier, la presse alémanique a révélé que l’armée a acheté des millions de masques inefficaces et qu’on trouve dans les pharmacies des autotests de qualité moyenne. On ne compte d’ailleurs plus les témoignages faisant état d’autotests et de tests antigéniques aux résultats erronés. Une situation qui suscite des questions.
A quels contrôles de qualité sont soumis les masques et les tests en Suisse? Des mesures nouvelles ont-elles été mises en place avec la pandémie?
«Les exigences et la réglementation des dispositifs médicaux n’ont pas changé, selon Lukas Jaggi, porte-parole de Swissmedic. Le Conseil fédéral a cependant mis en place des mesures afin d’assurer l’approvisionnement de la population en produits sanitaires essentiels pendant la pandémie.»
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En juin 2020, dans un contexte où les masques, tests et autres ustensiles médicaux se font rares, une ordonnance fédérale («Ordonnance 3 sur les mesures destinées à lutter contre le coronavirus») permet en effet à Swissmedic d’autoriser temporairement la mise sur le marché de dispositifs médicaux – masques et tests notamment – qui n’ont pas fait l’objet d’une évaluation de la conformité dans les règles de l’art. Cette mesure doit notamment autoriser une mise sur le marché de certains dispositifs avant qu’ils ne soient homologués, pour gagner du temps, mais qui sont tout de même amenés à être validés dans un second temps.
Swissmedic est responsable de la surveillance des dispositifs médicaux après leur mise sur le marché mais ce sont des entreprises privées, des «Organes d’évaluation de la conformité» (OEC; plus connus sous leur nom anglais «Notified bodies»), qui contrôlent et homologuent les dispositifs. Auquel cas, un marquage CE leur est octroyé, condition nécessaire à leur vente en Europe et en Suisse.
Motion en attente
En raison des pénuries, les dérogations de l’ordonnance 3 ont permis la mise sur le marché de masques sans but médical.
«L’OFSP [Office fédéral de la santé publique, ndlr] n’a en principe aucune compétence en matière de certification de masques. Il n’exerce pas non plus de fonction d’autorisation, d’homologation ou d’expertise des masques», indique une responsable de presse de l’OFSP. «La preuve de l’aptitude et de la conformité aux normes pertinentes d’un dispositif médical incombe au fabricant, le cas échéant en collaboration avec un organisme d’évaluation de la conformité.»
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En septembre 2020, la conseillère nationale (VD/Vert·e·s) Sophie Michaud Gigon a déposé une motion «pour un contrôle efficace du marché des masques», qui doit encore être traitée au parlement. Le Conseil fédéral propose de la rejeter, en arguant que des dérogations ont justement été permises vu les pénuries. Il souligne que des masques non conformes ont été autorisés à condition que leur étiquetage mentionne qu’ils ne sont pas destinés à une utilisation médicale (pour une utilisation dans les transports publics par exemple).
Quant aux tests covid aux résultats douteux, peut-on y voir un autogoal? «Je ne suis pas loin de le penser», estime Yannis Papadaniel, responsable santé de la FRC. «Quand on regarde la logistique mobilisée par les autotests, les coûts qu’ils engendrent et leur manque de fiabilité, on s’aperçoit que quelque chose ne joue pas.»
Des dérogations
Les autotests doivent porter un marquage CE et leur vente à des non-professionnels est en principe interdite. Mais là aussi l’ordonnance 3 a mis en place un régime d’exception: la distribution au grand public par les pharmacies a été autorisée et ils sont disponibles en pharmacie depuis le 7 avril 2021. Ils peuvent être remis et utilisés à condition qu’ils soient prévus et certifiés pour l’usage personnel conformément aux indications du fabricant.
«Pour les masques ou les tests, Swissmedic peut intervenir après leur mise sur le marché. Si nous recevons une annonce d’un client, d’un hôpital, d’un concurrent ou d’un utilisateur, nous pouvons être amenés à enquêter et prendre des mesures», indique Lukas Jaggi.