C’est une lueur d’espoir dans la lutte contre le Covid-19. Roche a décidé de mettre le brevet de son médicament Actemra/RoActemra dans le domaine public dans les pays à revenus faibles et intermédiaires aussi longtemps que durera la pandémie actuelle. Ce produit n’est pas nouveau sur le marché; il est utilisé depuis 2009 contre les maladies rhumatologiques. Il a toutefois été largement utilisé avec succès au cours de cette pandémie.

Lire également: L’OMS recommande un traitement fabriqué par Roche pour traiter le covid sévère

Dans un communiqué adressé au Temps mercredi, le géant pharmaceutique bâlois fait savoir qu’il s’efforce de travailler 24h/24 pour rendre le médicament disponible aussi rapidement et largement que possible. «Nous avons augmenté notre propre capacité de production de manière significative et nous travaillons avec des fabricants externes sur le transfert de nos technologies afin d’augmenter l’offre mondiale», précise-t-il.

L’appel de MSF

La décision de Roche a été prise au lendemain des recommandations thérapeutiques favorables faites par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à l’égard du tocilizumab, le principe actif de l’Actemra/RoActemra, pour les patients hospitalisés pour un Covid-19 sévère ou critique. Le feu vert de l’OMS a immédiatement suscité beaucoup d’intérêt dans le milieu médical, y compris au sein des ONG qui militent pour faciliter l’accès aux médicaments dans les pays pauvres. Médecins sans frontières (MSF) s’en est félicitée, tout en déplorant son prix extrêmement élevé et donc pratiquement impossible à obtenir dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires.

Et aussi: Molecular Partners, le joker de la Suisse contre le covid

«Roche doit cesser de suivre une approche de business-as-usual et prendre des mesures urgentes pour rendre ce médicament accessible et abordable pour tous ceux qui en ont besoin, en réduisant le prix et en transférant la technologie, le savoir-faire et les lignées cellulaires à d’autres fabricants. Trop de vies sont en jeu», a plaidé MSF mardi soir dans un communiqué.

Prix inaccessibles

«Les médecins de nombreux pays d’Afrique et d’Amérique latine, qui sont aux prises avec des variantes plus récentes et plus transmissibles du coronavirus, luttent pour maintenir leurs patients en vie», insiste Julien Potet, conseiller à la Campagne accès aux médicaments essentiels de MSF. Il rappelle que Roche a maintenu le prix de ce médicament à un niveau très élevé dans la plupart des pays, allant de 410 dollars en Australie, à 646 dollars en Inde et 3625 dollars aux Etats-Unis par dose de 600 mg pour le Covid-19. Selon un document des Hôpitaux universitaires genevois, il coûte 900 francs pour 400 mg en Suisse.

Comment Roche explique-t-elle ces différences de prix? «Nous travaillons avec les autorités sanitaires mondiales et nationales pour permettre un accès large, rapide et équitable, avec une stratégie d’accès et de prix spécifiquement conçue pour répondre aux besoins pendant la pandémie» répond-elle. Dès l’approbation d’Actemra/RoActemra pour son utilisation contre le Covid-19, nous prévoyons d’améliorer l’accessibilité financière sur tous les marchés des pays à revenu moyen supérieur, des pays à revenu moyen inférieur et des pays à faibles revenus.»

Une décision exceptionnelle

La décision de partager son brevet et son savoir-faire s’inscrit largement dans le débat en cours au sein de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Deux pays – Afrique du Sud et Inde – ont déposé une motion en octobre 2020, réclamant la libéralisation des brevets sur les vaccins, traitements et autres produits médicaux nécessaires pour combattre le Covid-19. La motion est soutenue par une centaine de pays, y compris par les Etats-Unis. Au départ, ces derniers composaient un front de refus avec l’Union européenne, la Suisse, le Canada et le Japon. Une décision est attendue lors d’une nouvelle réunion à Genève les 27 et 28 juillet.

Et encore: Mobilisation tous azimuts autour de l’accès aux vaccins

Roche ne cache pas que sa décision est exceptionnelle. «Nous sommes fermement convaincus que des systèmes de protection de la propriété intellectuelle (PI) robustes sont une condition préalable à l’innovation et à l’amélioration des traitements, répond le géant bâlois. La protection de la PI est obligatoire pour relever les immenses défis auxquels le monde est confronté en matière de soins de santé.»