Chaque élection présidentielle apporte son lot de gagnants et de perdants. Le secteur pharmaceutique apparaît comme le grand gagnant du résultat du vote des Américains, pas seulement aux Etats-Unis.

En hausse de près de 2% mercredi, le SMI, qui regroupe les 20 plus grandes capitalisations helvétiques, a progressé nettement plus que les autres indices boursiers européens, porté par le rebond des deux groupes pharmaceutiques bâlois. Les titres de Novartis (+4,4%) et de Roche (+5%), tout comme l'action de la biotech Actelion (+5,7%), ont caracolé en tête de l’indice mercredi.

Même tendance sur le Vieux Continent où l'indice Stoxx Europe 600 Health Care, qui regroupe les principales valeurs pharmaceutiques européennes, a clôturé la séance sur un gain de 4,6%, comparé à 1,5% pour l'indice élargi Stoxx Europe 600. 

Une proposition défavorable à la pharma rejetée en Californie

Le rebond des valeurs pharmaceutiques suite à l'annonce de la victoire de Donald Trump n'a pas surpris les spécialistes du secteur, alors que sa rivale Hillary Clinton avait promis de faciliter l’importation de médicaments meilleurs marché aux Etats-Unis durant sa campagne. La banque Bordier & Cie a indiqué adopter «à nouveau une vue positive sur le secteur de la santé et plus particulièrement les sociétés pharmaceutiques». «Le fait que la présidence et le Congrès soient républicains est le scénario le plus favorable pour la pharmacie», a estimé l'établissement genevois dans une note.

Une autre nouvelle favorable pour la branche est venue de la côte ouest des Etats-Unis: la Proposition 61, «bien plus redoutée que les élections» selon la banque genevoise, a été rejetée par l’Etat de Californie. Cette réforme visait à introduire des mesures pour exercer une pression à la baisse sur les prix des médicaments. 

Plus de la moitié des exportations suisses vers les Etats-Unis

Pour la Suisse, les Etats-Unis constituent un marché clé pour son industrie pharmaceutique. En 2015, les exportations suisses de marchandises vers les Etats-Unis ont atteint 27 milliards de francs (13% du total), en croissance de 6% sur un an. Plus de la moitié de ces envois, soit 14 milliards, sont des produits chimiques et pharmaceutiques. De ce fait, une grande partie des exportations en direction des Etats-Unis sont relativement peu sensibles aux fluctuations conjoncturelles, a fait remarquer l’institut de recherche conjoncturelles KOF à Zurich.

Novartis et Roche réalisent plus du tiers de leurs ventes outre-Atlantique

Pour Novartis, les Etats-Unis sont le deuxième plus grand marché par ordre d’importance. Sur un chiffre d’affaires de 8,2 milliards de dollars au troisième trimestre, quelque 2,8 milliards incombaient à l’Europe comparé à 2,7 milliards pour les Etats-Unis, soit près de 33% du total. Chez Roche, la part du chiffre d’affaires réalisée outre-Atlantique s’est élevée à 37% sur les neuf premiers mois de 2016.

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En outre, plusieurs sociétés suisses actives dans les techniques médicales sont très présentes sur le marché américain. Des entreprises comme Sonova (appareils auditifs), Tecan (équipements de laboratoires) ou Straumann (implants dentaires) comptent parmi les sociétés helvétiques les plus sensibles aux variations du dollar, avait calculé le courtier Kepler Cheuvreux dans une étude. Au premier semestre, les ventes réalisées aux Etats-Unis représentaient 37% du montant total chez Sonova, alors que cette part a atteint plus de 27% chez Straumann.

Incertitudes concernant l'avenir d'Obamacare 

Reste cependant les incertitudes liées à l'avenir des programmes visant à faciliter l'accès aux soins mis en place par Barack Obama. Théoriquement, les républicains, grâce à la majorité dont ils disposent au Sénat et à la Chambre des représentants, pourraient abroger une large partie des mesures établies par le président sortant dans le cadre de son programme appelé Affordable Care Act (ACA), plus connu sous le nom d’«Obamacare». L’ACA a créé un cadre dans lequel les individus peuvent acheter des assurances-maladie, souvent avec le soutien de subsides, et il a aussi permis aux Etats d’étendre leurs programmes Medicaid à davantage de personnes à faibles revenus.

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Au sujet d'une possible révocation d'«Obamacare» – pour autant que cela soit faisable d’un point de vue légal –, les experts de Candriam pensent qu’une telle décision n’aurait «pas d’impact majeur sur le secteur des biotechnologies». Un pas en arrière dans ce domaine aurait en revanche un impact très négatif pour les actions de sociétés du secteur hospitalier et de certains assureurs spécialisés dans le secteur de la santé, relève néanmoins le gérant d’actifs.

Le «scénario du pire» évité pour la pharma

Malgré tout, les points positifs l'ont emporté aux yeux des commentateurs. «Le scénario du pire pour le secteur des médicaments, celui d’une victoire des démocrates, a été évité. Le Parti républicain est clairement du côté de l’industrie pharmaceutique», a estimé Candriam, qui évoque aussi le rejet de la Proposition 61 en Californie comme un élément «fortement positif».