Le retour à la normale est attendu en juin. Mais «la société ajustera son organisation et renforcera le télétravail», déclare Philippe Doffey, directeur général de ce leader de la prévoyance, dans une interview au Temps, à l’occasion de la publication mardi du rapport annuel. La société présente un bénéfice de 455 millions de francs en 2019, lequel a été attribué aux réserves, après une performance de 11,3% sur les placements.
Le Temps: Est-ce que les réserves créées en 2019 se sont déjà envolées?
Philippe Doffey : Au cours du premier trimestre, à aucun moment les réserves n’ont été entièrement utilisées, malgré des marchés chahutés. A fin avril, après la reprise boursière, les réserves étaient suffisantes. La situation de la société est saine.
Quelles leçons tirez-vous de la crise du coronavirus?
La crise nous a permis de faire une avancée incroyable dans l’organisation du travail. Nous sommes convaincus que le télétravail sera renforcé. Il convient parfaitement bien pour le traitement des dossiers courants, mais la présence physique est plus favorable pour les tâches comprenant des interactions avec les collaborateurs et les clients. Le défi sera de trouver la bonne combinaison.
Avez-vous profité de la baisse des bourses pour acheter des actions?
Nous avons maintenu notre diversification et n’avons pas repris du risque. Nous nous sommes laissés porter par l’évolution des marchés, mais nous n’avons pas racheté d’actions pendant la baisse des cours.
Nous avons investi une partie des fonds dans l’immobilier indirect et diminué progressivement les investissements dans les matières premières, notamment dans les énergies fossiles en raison des aspects de durabilité et de préservation du capital. Il est vrai que nous n’avons que 2% des avoirs dans les matières premières.
A moyen et long terme, nous renforcerons les investissements dans les infrastructures locales. Nous sommes persuadés que l’épargne collectée localement doit être réinvestie, tant que faire se peut, dans la même région. L’an dernier, à Epalinges, nous avons par exemple transformé l’Hôtel de l’Union qui a été acquis et transformé pour offrir des logements temporaires d’urgence (41 chambres) ainsi qu’un restaurant ouvert au public. Cela renforce la diversification du portefeuille et stabilise les revenus à long terme.
En janvier, vous aviez craint le scénario de japonisation de l’économie et des taux longtemps très bas. Est-il devenu le plus probable?
Personne n’avait prévu la crise du coronavirus. Aujourd’hui, les réformes de la prévoyance restent indispensables, mais elles seront encore plus difficiles à réaliser. Trois pistes sont possibles: l’augmentation de la durée du travail, la diminution des rentes et la hausse des cotisations. Dans une récession, un relèvement des cotisations est très difficile. De même l’idée de rente-pont est remise en question. Le coût d’une préretraite est en effet plus élevé.
Le scénario de japonisation à travers des taux d’intérêt très bas pourrait être remis en question par les injections massives de liquidités. Si l’inflation devait émerger, les retraités en seraient les premières victimes. A court terme, les taux devraient rester bas.
Avez-vous enregistré de nombreux décès dus au Covid-19?
A période identique, l’augmentation des décès auprès de Retraites Populaires atteint 5%, soit 20 personnes supplémentaires. L’impact sera faible en termes de résultat technique. Nous souffrons davantage des marchés financiers que de la hausse assez modeste de la mortalité. A fin avril, notre performance s’élève à -3,6%. Nous avons fait plus de la moitié du chemin perdu grâce aux placements immobiliers et aux prêts hypothécaires puisque ces deux catégories représentent un bon tiers du bilan.
Votre stratégie en faveur de l’investissement durable sera-t-elle ajournée à cause de la crise?
Non. L’impact de la crise sur l’économie ne se fera pas au détriment de notre stratégie environnementale, sociale et de gouvernance (ESG). Cette stratégie nous permet de mettre en œuvre nos principes de durabilité ainsi que de préserver la valeur des placements.
Dans quelle mesure apportez-vous votre soutien à des clients dans des situations difficiles?
Nous avons trois catégories de clients, des débiteurs dans la prévoyance professionnelle, des locataires et des débiteurs hypothécaires. La marge de manœuvre la plus grande concerne les locataires. Le canton a mis en œuvre un soutien auquel nous participons. Au cas par cas, nous sommes prêts à abandonner des loyers. Nous préférons, par exemple, soutenir un restaurateur qu’avoir des locaux vacants à long terme. Dans la prévoyance professionnelle, nous offrons des arrangements de manière à lisser les échéances. Et pour les prêts hypothécaires, nous différons certains paiements, si nécessaire.