Plus que cinq jours. Le 1er juin, sans accord pour relever le plafond de la dette, les Etats-Unis pourraient ne plus être en mesure d’honorer tous leurs paiements. C’est Janet Yellen, la secrétaire au Trésor, qui l’affirmait il y a quelques semaines. Depuis janvier, date à laquelle les 31 381 milliards de dollars de dette publique autorisée ont été atteints, Washington bricole pour continuer à financer les activités de l’Etat. Mais ces arrangements montrent leurs limites.

Républicains et démocrates se sont déjà mis d’accord des dizaines de fois pour relever ce plafond introduit en 1917. Si les experts parient sur un accord à la dernière minute pour éviter un défaut de paiement, la tension est cette fois plus forte en raison d’une extrême polarisation politique, rappelait le chef économiste de Pictet, Frederik Ducrozet, responsable de la recherche macroéconomique chez Pictet Wealth Management. Que se passera-t-il s’il n’y a pas d’accord? Résumé des enjeux en cinq questions.

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Pourquoi juin?

On parle du 1er juin, mais la date exacte, the X-date, est en réalité très difficile à déterminer. Tout dépend des entrées fiscales qui peuvent être suffisamment importantes pour tenir plusieurs jours ou semaines supplémentaires. Il est néanmoins clair que la situation sera très délicate dès le début du mois prochain et que le Trésor devrait recourir à de nouvelles dettes pour assurer tous les paiements. Si un accord est trouvé, ce n’est pas la fin de l’histoire: tout dépend d’où le plafond est fixé et s’il est à nouveau atteint rapidement. Dans ce cas, le même problème va se reposer.

Que se passera-t-il si aucun accord n’est trouvé?

Sans accord, certains paiements ne pourraient plus être réalisés. Le Trésor devrait donc faire des choix. Il existe un risque que le salaire des fonctionnaires, par exemple, ne soit provisoirement pas payé, ou que l’aide sociale soit suspendue. Janet Yellen parlait de «dommages sévères» pour l’économie. Les estimations, officielles ou indépendantes, parlent de récession et de millions d’emplois détruits. D’autant plus que, contrairement aux crises précédentes (covid ou 2008), l’Etat n’aurait pas la possibilité de relancer l’activité avec des investissements.

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Dans le cas d’un défaut bref, le taux de chômage remontrait de 3,5% à 5%, contre 8,5% si le défaut dure trois mois, selon les projections réalisées par le conseil des économistes de la Maison-Blanche. Dans le deuxième cas, il faut s’attendre à «une violente récession de l’ordre de celle observée pendant la grande récession» après la crise financière de 2008. Sauf que cette fois, le gouvernement n’aurait pas les moyens de relancer l’économie grâce à des dépenses. Ces prévisions peuvent sembler alarmistes à dessein, puisqu’elles proviennent du gouvernement, mais elles sont partagées par la plupart des analystes. C’est d’ailleurs pour cela que des agences de notations, dont Morningstar jeudi, ont annoncé mettre la note de la dette américaine «sous surveillance» en attendant un accord.

Quel serait l’impact sur les marchés?

Ils réagissent déjà, avec une hausse des rendements. Le coût de s’assurer contre un défaut sur la dette américaine (CDS) augmente depuis avril et est à un plus haut historique. Chef économiste de Moody’s, Mark Zandi affirme ainsi que, même en cas de défaut bref, se produirait «une crise caractérisée par un bond des taux d’intérêt et une chute des prix des actions». Le premier aurait un impact sur le financement des entreprises, des hypothèques et autres emprunts, tandis que la seconde affecterait par exemple les retraites des Américains.

Et sur l’économie mondiale?

«Il n’y a pas un coin du monde qui serait épargné en cas de défaut et si la crise n’est pas résolue rapidement», poursuit l’expert de Moody’s. Effet sur le commerce mondial, donc sur les exportations de nombreux pays, donc sur leur croissance, impact sur les investisseurs qui détiennent de la dette américaine: sans accord, il y aurait des conséquences bien au-delà des Etats-Unis.

Quelle influence sur le dollar?

A court terme, les effets sur le dollar sont plus difficiles à prévoir. Logiquement, en cas de défaut, les investisseurs pourraient vendre leurs titres en dollars et décider d’acquérir d’autres monnaies qu’ils considéreraient comme plus sûres. Cela provoquerait donc une baisse du cours du billet vert. Mais la réalité est plus complexe. L’hypothèse d’une perte de la note triple A en 2011 avait suscité les mêmes prévisions. Elles se sont révélées fausses. Au moment de la dégradation de la note des emprunts souverains américains par Standard & Poor's, les investisseurs, à la recherche d’un refuge, se sont précipités sur ces actifs. A plus long terme, néanmoins, cela pourrait éroder le statut du dollar comme monnaie de réserve internationale.