Pour une bonne partie de la presse américaine, cela n’aurait pas dû être une big news. Le plan de relance de l’économie états-unienne, proposé par le Congrès il y a une semaine et ratifié dimanche par Donald Trump, aurait dû être accepté plus tôt, comme une lettre à la poste, tant les Américains ont besoin d’aide en ces temps de pandémie. Républicains et démocrates s’étaient mis d’accord après des mois de négociations. Il ne manquait plus que la griffe du président, attendue avant Noël.

Mais le locataire de la Maison-Blanche a longtemps refusé d’apposer son sceau sur cette proposition de loi, pour des raisons peu claires, créant un psychodrame d’autant plus important à Washington qu’il a passé ces jours cruciaux à jouer au golf en Floride.

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Allocations chômage en sursis

Pour 14 millions d’Américains, les allocations chômage d’un plan d’aide précédent ont pris fin samedi. Des mesures de soutien, mises en place au printemps par le gouvernement fédéral, ont expiré à Noël. Les expulsions locatives, gelées depuis ce printemps, devaient reprendre en janvier. Or entre 2,4 et 5 millions d’Américains courent le risque d’être expulsés de leur logement, selon le Wall Street Journal.

Un sénateur républicain a dit que le président laissera le souvenir d’un homme qui a engendré «le chaos et la misère». Donald Trump doit quitter ses fonctions le 20 janvier. Sa colère, suite à une défaite électorale qu’il n’avale pas, expliquerait son refus de ratifier ce plan, selon un éditorialiste de CNN. S’il n’est pas adopté, ce serait la première fois que des aides sont coupées si tôt après le début d’une crise, souligne l’organisation The Century Foundation.

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Puis, à la surprise générale, l’imprévisible président a changé d’avis. Il a ratifié le texte dimanche soir.

Quelque 900 milliards de dollars d’aides fédérales seront injectés dans la première économie mondiale. Les ménages doivent recevoir 600 dollars par adulte et autant pour chaque personne dépendante (contre respectivement 1200 dollars et 500 dollars dans le premier plan de relance). Les allocations chômage sont versées jusqu’en mars. Le plan prolonge un moratoire interdisant les expulsions de personnes ne pouvant payer leur loyer, suspend les saisies immobilières et prévoit des fonds pour la distribution des vaccins contre le Covid-19. Il accorde des prêts aux entreprises, des sociétés de restauration aux compagnies aériennes.

«Acompte nécessaire»

Certes, les chiffres du chômage s’améliorent, à 6,7% en novembre contre 14,7% à leur pic en avril. Mais ils tournaient autour de 3,5% en début d’année et la moitié des 22 millions d’emplois détruits ce printemps n’ont pas été recréés. Les arriérés de loyers atteignent 70 milliards de dollars, selon l’agence Moody’s. Un tiers des locataires noirs, 18% des Latinos et 12% des Blancs disent être en retard de loyer et plus de 155 000 dossiers d’expulsion auraient été déposés devant les tribunaux.

La ratification du nouveau plan a généré un torrent d’émotions outre-Atlantique. «Je suis content de savoir que les Américains vont recevoir une assistance plus que nécessaire», a salué Mitch McConnell, le chef de file des sénateurs républicains.

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En ne donnant son accord que dimanche, le président a tout de même fait perdre à 14 millions d’Américains une semaine d’allocations chômage. «Pour les familles qui se demandent comment elles vont payer le loyer de janvier ou acheter de l’épicerie, un retard d’une semaine pourrait avoir de graves conséquences, indique le sénateur de l’Oregon Ron Wyden au New York Times. C’est un énorme soulagement que le projet de loi soit signé, mais la colère de Donald Trump a créé des difficultés inutiles pour des millions de familles.»

La cheffe des démocrates à la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, affirme que «cet acompte nécessaire» doit rapidement s’accompagner de mesures supplémentaires. De nombreux politiciens estiment que, après la crise financière de 2008, l’économie américaine n’avait pas été assez soutenue, ce qui avait fait enfler l’inflation et les déficits. Une erreur, selon eux, qu’il ne faudrait pas répéter.