Entretien
Nir Ofek est le cofondateur du plus important site communautaire pour expatriés de Suisse, Glocals.com, et il est également à l’origine du site d’achats groupés BuyClub.ch. Entretien avec un animal de réseaux

Nir Ofek, cofondateur des réseaux anglophones Glocals.com et BuyClub.ch
«Notre plateforme connecte l’économie genevoiseà la moitié des 80 000 expatriés du canton»
Nir Ofek est l’animateur en chef de la communauté des expatriés établis dans la région lémanique. Mais son influence s’étend jusqu’aux rives du lac de Zurich. Cofondateur du plus important site communautaire pour expatriés de Suisse, Glocals.com, il est aussi à l’origine du site d’achats groupés BuyClub.ch, visant cette clientèle étrangère de passage sur le territoire helvétique. En douze années d’activité, l’entrepreneur de 43 ans s’est forgé le statut de principale courroie de transmission entre ce marché ethnique, au fort pouvoir d’achat, et l’économie locale. Il a lui même fait partie de cette population internationale en transition, avant de se sédentariser à Genève. Son entreprise familiale, toujours en forte croissance, emploie à ce jour sept salariés. Elle génère pour l’heure suffisamment de liquidités pour ne pas avoir à se soucier du concours d’investisseurs externes. Entretien avec un animal de réseaux, éternel insatisfait de son niveau de français, une langue pourtant maîtrisée aujourd’hui.
Le Temps: En quoi consistent exactement vos activités?
Nir Ofek: Nous sommes spécialisés dans le service aux expatriés, en particulier ceux de Suisse romande. Notre vocation est de les familiariser et de les aider à s’intégrer à leur nouvel environnement extraprofessionnel. Pour y parvenir, nous nous efforçons de susciter et de multiplier les contacts avec la population locale.
– Quelle est votre cote auprès de cette clientèle?
– Nous comptons au total 110 000 inscrits sur Glocals.com, dont 30 000 sont actifs à Genève et 10 000 répartis entre Lausanne, Zurich, Bâle et Berne.
– Avez-vous une idée du taux de rotation des expatriés en Suisse?
– Oui. Ils restent en moyenne trois ans en Suisse. Nous parlons ici d’une population – en légère baisse ces dernières années – estimée à 80 000 individus (famille incluse) rien qu’à Genève, dont un peu plus de 10% se renouvelle tous les douze mois. Glocals touche, de fait, la moitié de la communauté expatriée à Genève. Nos membres sont majoritairement des cols blancs, actifs à plus de deux tiers dans les multinationales et un tiers dans le secteur des organisations internationales.
– Comment se présentent vos outils de mise en relation?
– Nous avons commencé il y a douze ans avec Sindy.ch. Soit un concept de soirées géantes – au rythme de six par an – réunissant en moyenne 1700 convives, pour moitié issue de la communauté locale. Mais en plus de divertir notre public cible, nous l’aidons à nouer des contacts et l’accompagnons dans ses recherches d’informations. Nous avons pour ce faire lancé en 2007 le site communautaire généraliste Glocals.ch, initialement baptisé GenevaOnline. Cette présence en ligne offre aux expatriés la possibilité notamment de se renseigner sur leur nouvel environnement, de trouver un 3 pièces, une voiture, un coiffeur ou un médecin anglophone. On peut même y entamer une relation amoureuse. Nous avons aussi créé, voilà trois ans, BuyClub.ch, une plateforme de commerce électronique basée sur le concept d’achat groupé. Nous sommes aujourd’hui leaders sur ce créneau, qui est en quelque sorte un Groupon, mais pour expatriés.
– C’est-à-dire?
– Cette communauté, en transition à Genève, est très prisée des hôtels cinq étoiles, des restaurants haut de gamme et autres commerces de luxe. Moyennant une commission, nous lui proposons l’accès à des services via des offres promotionnelles. En contrepartie, les prestataires espèrent fidéliser cette clientèle plutôt aisée. Car d’après les statistiques basées sur notre bassin de clientèle, nos expatriés gagnent en moyenne 132 000 fr. par an.
– Qui d’autre s’intéresse à ce filon?
– Les PME autant que les grands prestataires de services. Cette population, estimée à plus de 100 000 individus [membres de la famille inclus] au bord du Léman, est pour eux une cible de choix. Car elle bénéficie d’un fort pouvoir d’achat et leurs besoins sont faciles à cibler.
– Pouvez-vous donner des exemples de ce marché?
– Suite à un sondage interne en 2007, nous nous sommes rendu compte par exemple que près de 75% des expatriés à Genève étaient clients d’UBS. Cette relation privilégiée de longue date se traduit notamment par une présence d’agences physiques de cette banque à l’intérieur de plusieurs organisations internationales, dont l’OMC. Des marques comme Orange, Allianz, ou encore la chaîne de fitness Holmes Place, qui sont devenues nos partenaires officiels, ciblent également, et depuis fort longtemps, le monde des expatriés.
– Quelle est aujourd’hui votre plateforme phare?
– Le portail Glocals constitue aujourd’hui la principale voie d’accès à notre écosystème. Mais cet outil ne représente pas le cœur de notre modèle d’affaire, qui repose plutôt sur BuyClub.ch. C’est plutôt un produit d’appel. Nous y enregistrons jusqu’à 2000 nouvelles inscriptions par mois, venant de toute la Suisse, dont 50% à Genève. Cela, sans que nous ayons à investir dans aucune forme de communication autre que le bouche-à-oreille. Car l’existence de Glocals fait l’objet de présentations officielles au sein des multinationales, comme Procter & Gamble, en tant qu’outil d’intégration pour les expatriés fraîchement arrivés.
– Craignez-vous la concurrence d’autres sites?
– Pour l’heure, nous ne ressentons pas de pression particulière. Au contraire, nous ressentons une complémentarité. Nous nous inspirons beaucoup les uns des autres. Par exemple, le zurichois Ronorp.net est encore peu actif en Suisse romande. Alors que la plateforme Internations.org, très forte en Allemagne, n’est présente à Genève que depuis trois ans. Et ses activités restent limitées à des événements. En revanche, l’américain Meetup.com, bien qu’il ne soit pas spécialisé dans les expatriés, est très utilisé par ces derniers.
– A combien s’élève votre budget de fonctionnement?
– L’essentiel de nos revenus provient de BuyClub.ch. Ce site génère actuellement 6 millions de francs de chiffre d’affaires par an, à un rythme de croissance annuelle moyenne de 20%. Au lancement de la plateforme, la progression était toutefois de 60% l’an.
– Pourquoi ce ralentissement?
– Nos fournisseurs nous brident de plus en plus en imposant des limites en termes de quotas de ventes. Ainsi, pour y remédier, nous réfléchissons à étoffer notre offre. Soit ajouter la vente de produits, comme des chaussures ou des vélos, à nos services. Nous avons aussi déjà commencé à élargir notre bassin de chalandise, en ouvrant dernièrement une antenne BuyClub.ch à Lausanne.
– Comptez-vous investir pour améliorer vos services?
– Oui, notre assise étant plus faible dans le canton de Vaud qu’à Genève, nous allons exceptionnellement financer des publicités pour le lancement de BuyClub.ch à Lausanne. Et comme nous n’avons pas touché au site Glocals depuis cinq ans, car toute notre énergie s’est portée sur BuyClub.ch – qui paie nos salaires –, il est prévu d’en améliorer les fonctionnalités.
– Quels sont vos projets d’événements en cours?
– Nous voyons un fort potentiel dans l’idée de proposer à 50 familles genevoises d’accueillir, selon des modalités encore à définir, un expatrié fraîchement arrivé chez eux le temps d’un dîner. Nous souhaitons présenter ce projet aux autorités, pour un lancement si possible en juin prochain.