Le plus grand groupe minier du monde drague des étudiants à Genève
Matières premières
AbonnéBHP sollicite des start-up et le monde académique pour accélérer le déploiement de nouvelles mines. «Sans métaux, pas de transition énergétique, or il en manque», a indiqué une représentante de la firme australienne lundi à Genève

La principale entreprise minière du monde, BHP, se tourne vers des start-up et le monde académique pour stimuler le déploiement de nouvelles mines et faire face à la transition énergétique. C’est ce qu’a fait savoir Sonia Scarselli, la vice-présidente de sa division dédiée à l’exploration, BHP Xplor, lundi à l’Université de Genève.
La firme australienne sélectionne des projets auxquels elle alloue sa force de frappe. BHP s’inspire ce faisant d’un modèle prisé de la pharma ou de la tech. Sonia Scarselli a encouragé un parterre d’étudiants à proposer des idées. L’Unige a un département en sciences de la Terre avec un groupe de recherche spécialisé en gisements métallifères.
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«Réduire drastiquement la consommation d’énergie fossile et permettre un accès universel à l’électricité requiert trois choses qui manquent: des ressources minérales, un cadre réglementaire adapté et des talents, estime Sonia Scarselli. Si nous voulons atteindre la neutralité carbone en 2050, il faut doubler la production de cuivre et quadrupler celle de nickel, dit-elle. Or, ces vingt dernières années, aucun gisement de cuivre n’a été découvert.»
«Il faut compter entre quinze et vingt ans pour exploiter un gisement et ça coûte très cher, souligne Sonia Scarselli. Impossible d’entreprendre plus de deux ou trois projets d’envergure en même temps, même pour BHP. Or il faut doubler ce chiffre. Sinon, pas de transition énergétique.»
La multinationale a publié lundi des chiffres semestriels en baisse, avec un bénéfice avant impôts de 13,2 milliards de dollars (-28%). Les prix du cuivre et du fer ont diminué entre juillet et décembre, quand la Chine tournait au ralenti à cause du covid. BHP est un des principaux producteurs du monde de cuivre, de nickel, de potasse, de fer et de charbon.
«Nous nous ouvrons à l’écosystème, parlons aux petites entreprises indépendantes dans l’exploration minière, indique Sonia Scarselli. Nous lançons un appel à candidatures, nous sélectionnons les meilleures idées et les aidons à grandir.»
BHP a lancé son «programme d’accélération» cet été et a retenu sept entreprises en janvier sur une centaine de candidatures, un exercice qu’elle compte répéter chaque année. Chaque entreprise bénéficiera d’un paiement pouvant aller jusqu’à 500 000 dollars, d’un accès à un réseau d’experts techniques, commerciaux et opérationnels.
Sept entreprises
Parmi les sept figurent Tutume Metals, une société spécialisée dans l’exploration du sous-sol au Botswana, ou Kingsrose Mining, un groupe qui exploite du nickel en Norvège et en Finlande. On peut aussi citer Bronzite Exploration, une société d’exploration de cuivre au Canada, dirigée par un professeur de l’Université Carleton, à Ottawa.
«C’est la Chine qui achète presque tous les minerais. Dans cette industrie, l’upstream (l'extraction), le midstream (le traitement) et le downstream (la construction de produits finis) fonctionnent en silos», affirme Sonia Scarselli, qui estime que les ponts entre ces segments doivent être renforcés. L’industrie doit réduire sa dépendance à l’égard de la Chine, selon elle. Dans une conférence en janvier à Riyad, il a été question de développer une industrie de traitement de métaux au Moyen-Orient et en Afrique.
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Les constructeurs automobiles multiplient les rapprochements avec les groupes miniers pour se garantir un accès aux métaux nécessaires à la fabrication de batteries. General Motors veut acquérir une part du brésilien Vale, qui possède un bureau dans le canton de Vaud. Tesla envisage de racheter une firme canadienne, Sigma Lithium. L'entreprise d’Elon Musk a conclu un accord sur le nickel avec BHP, un pacte sur le cobalt avec le suisse Glencore et s’est engagée dans un projet minier en Nouvelle-Calédonie.
BHP estime que le recyclage des métaux ne peut, de loin, pas compenser les manques et dit refuser de creuser sous les océans (deep sea mining) pour des questions écologiques. «La plupart des mines de cuivre sont en surface, il faut désormais explorer plus en profondeur», conclut Sonia Scarselli.