Le poids de l’état dans notre économie fait actuellement l’objet d’un fort débat. Plusieurs voix s’élèvent pour demander une maîtrise plus serrée de la croissance des dépenses publiques. Faut-il en déduire que l’Etat prend une place de plus en plus marquée en Suisse, et qu’il serait temps de prendre des mesures?

Tel n’est aucunement le cas. Un simple examen des données montre que le poids de l’Etat est stable et maîtrisé depuis bien longtemps. En outre, une adoption trop rapide de mesures d’économie pèserait fortement sur la croissance, alors que celle-ci est déjà à la peine.

Que disent les chiffres? Tout d’abord ne nous focalisons pas sur la hausse du montant des dépenses publiques, mais mettons-la en perspective avec la croissance de l’économie dans son ensemble. Les données de l’Office Fédéral de la Statistique donnent une vision sur plusieurs indicateurs depuis 1990, non seulement pour l’Etat dans son ensemble mais aussi pour les différents niveaux (Confédération, cantons, communes et assurances sociales). Si la part des dépenses publiques totales s’est certes accrue au début des années 1990, passant de 28.0 pourcent du produit intérieur brut en 1990 à 32.9 pourcent en 1993, elle a ensuite fluctué autour d’un niveau stable, atteignant 33 pourcent en 2014. Cette stabilité est observée à tous les niveaux, les dépenses des cantons montrant une légère tendance à la hausse compensée par les communes. Le poids de l’Etat est donc largement maîtrisé depuis un quart de siècle.

Le problème se porterait-il alors au niveau des déficits? Il n’en est rien. Les déficits ont certes été marqués dans les années 1990 oscillant entre 2 et 3 pourcent du produit intérieur brut, notamment du fait de la Confédération. Cette situation n’est cependant qu’un souvenir, car le solde des finances publiques a depuis fluctué autour de zéro, avec bien souvent des surplus. La situation s’est maintenue même durant la récente crise européenne. Le seul bémol est une certaine persistance des déficits des cantons depuis 2011, à un niveau toutefois bien modeste à moins de 0.5 pourcent du PIB. Bien entendu, ce constat pour l’ensemble des cantons n’exclut pas que la situation soit plus sérieuse pour certains d’entre eux.

La situation est encore plus favorable si nous considérons le poids de la dette publique. Sans surprise, celle-ci s’est accrue dans les années de déficit, passant de 29.3 pourcent du PIB en 1990 and 51.6 pourcent en 1998. Ce problème a été résolu, et depuis lors la croissance de l’économie a réduit le poids de la dette le ramenant à 34.5 pourcent du PIB actuellement. Ce cycle de la dette est principalement dû à la Confédération, l’endettement des communes et cantons restant nettement plus stable. En outre, il convient de rappeler que les collectivités publiques peuvent actuellement se financer à des conditions très favorables, le rendement des obligations de la Confédération à vingt ans étant actuellement de 0.38 pourcent par exemple.

Les données montrent donc clairement que la quote-part de l’Etat est bien maîtrisée en Suisse depuis longtemps, et que notre pays ne fait face à aucune urgence. Certes certains aspects peuvent encore être améliorés, comme le déficit modéré des cantons mentionné ci-dessus, et les finances publiques vont au-devant de défis tels que la réforme de l’imposition des entreprises. Faut-il alors prendre des mesures marquées d’austérité préventives? La modération est au contraire de mise. Rappelons que nous sommes dans une situation conjoncturelle délicate où la banque centrale a déjà fortement agi. La récente crise aux Etats-Unis et en Europe a clairement montré qu’une réduction des dépenses publiques dans une telle situation grève la croissance beaucoup plus fortement que durant une période normale. Ce point est nettement établi aussi bien au plan théorique qu’au plan empirique, et même le FMI a reconnu que l’austérité adoptée en Europe a eu des coûts nettement plus élevés que prévu. Il convient de procéder avec prudence afin de ne pas surcharger la barque alors que l’économie doit déjà gérer l’impact du franc fort.

Le risque est donc bien réel qu’à vouloir régler un faux problème de poids de l’Etat, la politique économique dans notre pays entraîne une récession. Bien entendu, les avis divergent sur la taille souhaitable de l’Etat, et il est tout à fait légitime pour les partisans d’un Etat plus petit de défendre leur point de vue. Mais gardons à l’esprit qu’une réduction de la taille de l’Etat en Suisse serait un choix délibéré et non pas la conséquence inéluctable de problèmes structurels.