Ce monopole serait soumis à la vigilance de Monsieur Prix, précise le projet de l'OFE. Les opposants y décèlent néanmoins une rente de situation. Le volume d'affaires annuel confié à Recyval serait de 30 à 40 millions de francs par an et tomberait dans l'escarcelle du groupe Métraux basé à Etagnières (VD). Premier fournisseur de garages indépendants en Suisse et en Belgique, Métraux Services détient la licence du procédé thermique d'élimination des RBA.
Mais il ne serait que l'exploitant de Recyval, son propriétaire étant la Fondation Auto Recycling Suisse (FARS), créée à cet effet en 1992 par des milieux professionnels, notamment les importateurs. Peu d'acheteurs de voitures neuves le savent, mais une taxe de 30 francs est prélevée sur chaque véhicule en prévision de son élimination future. Au fil des ans, la FARS a accumulé une fortune de 85 millions de francs.
«Il faut une installation en Suisse pour éliminer les RBA, dit son directeur, Daniel Christen, et nous avons la meilleure technologie.» Actuellement, les trois quarts de ces déchets sont exportés, notamment en Allemagne, où ils finissent souvent dans des décharges, au prix de 70 à 90 francs la tonne. Le reste est incinéré dans des usines de traitement des ordures ménagères, souvent surchargées et pas conçues pour ce travail.
Une technologie exportable
Recyval produirait des déchets inertes, mais au prix fort: autour de 300 francs la tonne. Un tarif trop élevé dû à sa position de monopole? La Commission de la concurrence se tait sur les motifs de son opposition. Quant à Daniel Christen, il affirme que la FARS «n'a aucun intérêt à ce que ce soit trop cher» et rappelle que deux expertises indépendantes ont validé la qualité du procédé retenu. Si la Confédération devait modifier en profondeur les conditions d'exploitation, «le projet pourrait devenir trop risqué financièrement, auquel cas nous ne construirions pas l'usine», ajoute-t-il.
Directeur général de Métraux Services, Olivier Métraux affirme que sa société peut très bien vivre sans cette diversification «subsidiaire», qui augmenterait son chiffre d'affaires de 10% environ dans un premier temps. «L'avenir du groupe n'a jamais dépendu et ne dépendra jamais de l'usine de Monthey», souligne-t-il. Cela dit, Olivier Métraux ne cache pas que, en cas de réussite, la technologie Recyval pourrait s'exporter à l'étranger, où les procédés pour neutraliser les RBA restent balbutiants alors que les législations nationales les exigent de plus en plus, comme en Allemagne dès cette année. «Recyval représente un certain risque industriel, continue Olivier Métraux, et il est normal que celui-ci soit inclus dans le calcul de rentabilité.»
Qui d'autre peut être intéressé à se profiler sur ce marché? La société bernoise Citron, créée en 1996, a construit au Havre une usine spécialisée dans le traitement des métaux lourds par oxydation sélective. La mise en service de Monthey la priverait de 10 000 tonnes de déchets, et elle a elle-même un projet similaire en Allemagne.
Une chose est sûre: la Suisse ne produit pas assez de RBA pour alimenter deux usines sur son sol, et la loi impose des critères précis pour leur élimination. Reste à savoir si les conditions du monopole sont trop généreuses et si, en les durcissant, le Conseil fédéral ne va pas faire fuir Recyval au profit d'un concurrent en embuscade. Délicate question politico-économique à laquelle le département de Moritz Leuenberger devra vite répondre.