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La polémique autour de P&O est amplifiée par une enquête

Le ton xénophobe des critiques contre le feu vert donné par l'administration à la transaction portuaire se retrouve dans le débat sur l'immigration illégale.

Finalement, George Bush est peut-être plus en sécurité au Pakistan. Car, aux Etats-Unis, ça continue à ferrailler dur et sa cote en prend un coup. Rien ne semble pouvoir apaiser la polémique ouverte par le rachat des opérations portuaires - en particulier dans six ports américains - de la britannique Peninsular & Oriental par la Dubai Ports World, entreprise publique des Emirats arabes unis. Même pas la décision de la High Court de Londres, qui a écarté jeudi le recours d'Eller & Co, un concurrent américain de DPW. Le juge a trouvé les arguments de l'opérateur de Floride «si légers qu'ils n'ont pas de poids». Eller (dont l'action avait contribué à allumer le brasier aux Etats-Unis) a cependant obtenu d'aller en appel lundi. La reprise de P & O par l'entreprise de Dubaï, qui devait être effective le 2 mars, est donc un peu retardée, et DPW ne bronchera pas tant qu'une nouvelle enquête de sécurité, qui durera 45 jours, n'est pas terminée.

L'empoignade portuaire est devenue aux Etats-Unis un enjeu politique et électoral majeur. Chaque jour amène de nouveaux épisodes, parfois cocasses, et toute la polémique baigne dans une eau trouble protectionniste et xénophobe, encore épaissie par le débat sur l'immigration, qui vient de reprendre au Sénat.

Les démocrates sont en flèche dans cette histoire, parce qu'ils espèrent marquer des points sur les questions de sécurité, le point fort de leurs adversaires républicains. Hillary Clinton a très vite été en pointe dans les attaques contre l'administration. Elle l'a fait au nom de la sécurité, mais aussi du risque d'un contrat passé dans un secteur si sensible avec une société contrôlée par un Etat étranger. Pourtant, dans un domaine très voisin, une société d'Etat allemande, la Fraport, gère le fret et les bagages dans des aéroports américains sans que cela ait jamais suscité le moindre souci au Congrès.

La nationalité arabe de DPW, quoi qu'en disent les élus, est donc le combustible essentiel de la fureur qui s'est emparée de Washington. L'émir de Dubaï le comprend bien. Il a fait appeler un Américain qu'il connaît bien: Bill Clinton, qui a des habitudes de conférencier dans le Golfe.

L'ancien président, selon le Financial Times, est à l'origine de l'offre que DPW a fait de se soumettre à un nouvel examen de 45 jours. Hillary dans un camp, Bill dans l'autre? Le porte-parole de l'ancien président s'efforçait hier d'écarter par des explications alambiquées l'hypothèse de divergences au sein du couple.

Les Dole se retrouvent à peu près dans la même situation. Elizabeth Dole, sénateur républicain de Caroline du Nord, critique l'opération P&O/DPW, qu'aucun élu ne semble plus oser défendre à haute voix. Mais son mari, Bob Dole, ancien candidat républicain à la Maison-Blanche, est à Washington, dans ses nouveaux habits de lobbyiste, conseiller de la Dubai Ports World!

Les adversaires de la transaction portuaire, qui sont aussi excités chez les républicains que chez les démocrates, ont encore reçu du renfort quand l'administration a dû annoncer une seconde enquête approfondie après l'achat par une autre société de Dubaï d'une entreprise britannique, Doncaster, qui produit aux Etats-Unis des composants d'avions et de blindés. Encore des Arabes, encore les Emirats unis, que le républicain Duncan Hunter a déjà qualifié de «bazar des nations terroristes». On peut comprendre l'écœurement de David Hamod, le président de la Chambre de commerce américano-arabe: «Les Etats-Unis nous donnent des leçons sur l'ouverture de nos frontières à leurs biens, à leurs capitaux, à leurs idées et à leurs gens, et, en même temps, vous entendez ce puissant message protectionniste, presque anti-arabe, venant du Congrès.»

Et ce n'est pas fini. Le débat sur l'immigration qui commence au Capitole va répandre les mêmes effluves. L'opinion est chauffée à blanc, par des radios et des télévisions, contre l'immigration illégale: 11 millions de personnes aujourd'hui aux Etats-Unis. C'est un problème. Mais les solutions qu'imaginent les députés sont toutes plus inquiétantes les unes que les autres. La Chambre des représentants a déjà voté un texte de nature strictement policière: il prévoit la construction d'une barrière de plus de mille kilomètres (2,2 milliards de dollars) le long de la frontière mexicaine.