Près de 1,5 milliard de travailleurs vulnérables dans le monde
Travail
Les prévisions de l’Organisation internationale du travail (OIT) montrent aussi que le chômage touchera plus de 201 millions de personnes cette année. Des chiffres en constante hausse

En 2017, l’Organisation internationale du travail (OIT) prévoit que 1,4 milliard de travailleurs occuperont un emploi vulnérable dans le monde – c’est-à-dire les personnes à leur propre compte et les femmes/hommes au foyer sans revenu –, un chiffre qui devrait augmenter de 11 millions par an. Il représente près de trois quarts de la population en Asie du sud et deux tiers des habitants de l’Afrique subsaharienne.
Selon Steven Tobin, économiste et chef de l’unité responsable du rapport, ce problème concerne à 95% les pays non développés et deux types de population: les femmes qui n’ont pas accès au marché du travail et les pays où l’emploi formel n’existe pas. La solution avancée par l’OIT repose sur les pouvoirs politiques de chaque pays: «Il faudrait que la politique stimule l’économie formelle et que des protections sociales soient mises en place pour ses travailleurs», explique l’économiste.
3,4 millions de chômeurs en plus
Le rapport de l’OIT prévoit également une hausse de 0,1% du taux de chômage sur le globe, soit 3,4 millions de sans-emploi supplémentaires par an, pour atteindre un total 201,1 millions de sans-emploi. Un pays attire toute l’attention sur ce point: le Brésil. «Nous prévoyons une hausse importante de chômeurs suite à la récession. Le taux devrait dépasser les 12% en 2017, ce qui risque d’annuler les efforts fournis pour augmenter l’offre d’emplois formels», précise Steven Tobin.
Cette augmentation du chômage ne touche pas uniquement l’Amérique latine mais aussi les pays en développement et émergents. En revanche, la Suisse (avec son taux de chômage de 3,5% en décembre) devrait rester stable alors qu’une baisse d’environ 0,1% est prévue en Europe et aux Etats-Unis. «Il y a eu une forte réduction du chômage ces dernières années dans les pays développés. En conséquence, la diminution est désormais plus lente et elle ne suffit plus à couvrir la hausse du taux de chômage au niveau mondial», commente Steven Tobin.
«Fermer les frontières n’est pas la solution»
«Aujourd’hui, le défi pour les pays développés est de diminuer le chômage de longue durée», estime-t-il. Ce qui n’est pourtant pas la tendance actuelle. En Europe, entre le deuxième trimestre 2012 et la même période en 2016, le nombre de personnes à la recherche d’un emploi depuis plus d’un an a augmenté, passant de 9,9 millions à 11 millions. Ce phénomène a touché 47,8% des chômeurs en Europe l’an dernier.
Une limite à l’accès aux travailleurs frontaliers constituerait-elle une solution? «Nous remarquons un front généralisé contre la globalisation et la politique de libre-échange mais je pense que fermer les frontières n’est pas la solution, confie Steven Tobin. L’économiste préconise par exemple d’augmenter le salaire des employés lorsqu’il y a une hausse de productivité. «Il faut plutôt répartir de manière plus égale les bénéfices tirés de la croissance économique», conclut-il.
Des chiffres à géométrie variables
Le rapport de l’Organisation internationale du travail (OIT) est basé sur les données du service de statistique de l’agence onusienne et du FMI, pour ce qui a trait au PIB des pays. Il a pour vocation d’analyser le marché du travail de manière globale. Pourtant, les chiffres pourraient être différents: «Notre projection dépend énormément de la prévision de croissance économique des pays, qui est fragile, confie Steven Tobin, économiste et chef de l’unité responsable du rapport. Ils seraient différents si l’on utilisait les statistiques de la Banque mondiale ou de l’ONU. Mais nous avons choisi ce modèle et pour pouvoir comparer les tendances d’années en années, nous ne pouvons plus changer.»
La méthodologie retenue permet-elle de comparer tous les pays? «C’est vrai que certains chiffres sont plus justes pour certains pays que pour d’autres. C’est pourquoi, nous faisons plusieurs mesures, répond Steven Tobin. Par exemple, l’Afrique subsaharienne affiche un taux de chômage plus bas qu’en Europe. Mais cela ne signifie pas que tout va bien, vu le taux d’emplois vulnérables.» Selon lui, le principal élément à améliorer dans ce rapport serait d’y introduire une évaluation de la qualité du travail dans les pays développés.