Huile de palme
La campagne du lobby écologiste lie les barres chocolatées Kit Kat, un produit phare du groupe, à la disparition des orangs-outangs dans la forêt indonésienne. Smart, l’un des principaux producteurs d’huile de palme, a déjà perdu en décembre son contrat avec Unilever
Après Unilever, Nestlé est le deuxième géant de l’alimentation à sanctionner un grand producteur indonésien d’huile de palme, sous la pression de Greenpeace qui l’accuse de complicité dans la destruction des forêts tropicales.
Nestlé n’a pas attendu pour réagir à Greenpeace. Quelques heures après le lancement mercredi d’une vidéo choc liant sa barre chocolatée Kit Kat à la disparition des orangs-outans, le groupe suisse annonçait la suspension de ses contrats avec Smart, premier producteur indonésien d’huile de palme. «En réagissant de la sorte, Nestlé a admis qu’il utilisait, pour Kit Kat notamment, de l’huile de palme produite par des plantations ayant détruit des forêts», a déclaré jeudi Bustar Maitar, responsable du dossier «forêt» pour Greenpeace à Jakarta.
Fidèle à ses méthodes inspirées de la pub, Greenpeace avait ciblé de la même façon en décembre les savons Dove produits par Unilever, qui avait également annoncé la fin de ses approvisionnements auprès de Smart, filiale de la holding Sinar Mas, basée à Singapour.
Cette brusque rupture de contrat avait pris par surprise la société indonésienne qui fournissait, sans problème, les plus grands groupes agro-alimentaires depuis des années. «Entre l’opinion publique occidentale et un partenaire indonésien, ces groupes font vite leur choix car ils ne peuvent se permettre d’être montrés du doigt sur l’environnement. Greenpeace l’a compris», souligne un expert du secteur, s’exprimant sous le couvert de l’anonymat.
En annonçant sa décision, Nestlé a d’ailleurs réaffirmé son «engagement à utiliser uniquement de l’huile de palme certifiée d’ici 2015, lorsque les quantités suffisantes seront disponibles». En attendant, Greenpeace va maintenir son appel à boycotter Kit Kat «tant que Nestlé continuera à s’approvisionner, via des distributeurs, en huile de palme produite par Sinar Mas», a précisé Bustar Maitar.
Les campagnes anti-huile de palme sont mal perçues en Indonésie qui, avec la Malaisie voisine, produit 80% de cette huile aux multiples usages (cosmétiques, alimentaires, biocarburants). Sa culture, très rentable, fait travailler trois millions de personnes, dont de nombreux petits exploitants, et est devenue l’une des principales sources de devises pour le 4e pays le plus peuplé au monde.
Mais, pour cela, les massifs forestiers qui recouvraient les îles de Sumatra et de Bornéo ont été en bonne partie remplacés par d’immenses plantations, où les singes, les éléphants et les tigres n’ont plus leur place. Cette déforestation à grande échelle a également contribué au bond des émissions de gaz à effet de serre par l’Indonésie.
Les experts prévoient que la croissance attendue de la demande en huile, portée par la Chine et l’Inde, va continuer à entraîner une augmentation des surfaces cultivées. Dans ce contexte porteur, les grands producteurs «ont tout intérêt à montrer leur bonne volonté en cessant de déboiser et en plantant plutôt les millions d’hectares de terres dégradées disponibles en Indonésie», souligne Nazir Foead, de l’ONG WWF.
«Nous sommes prêts au dialogue avec Greenpeace», a réitéré jeudi le directeur de Smart, Daud Dharsono. En février, après le retrait d’Unilever, le groupe s’était déjà engagé à «ne pas convertir en plantation des terres présentant de fortes capacités de stockage de carbone, comme les tourbières et les forêts primaires».