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Rachat de Syngenta par ChemChina: l’effet Monsanto

La mainmise de ChemChina ou d’un autre grand groupe agrochimique sur Syngenta était hautement prévisible en raison du conflit entre certains actionnaires influents et la direction du groupe bâlois. Le conseil d’administration de Syngenta a fini par céder face à des actionnaires pressés et intransigeants

L'entreprise d’État n'est en fait qu'un conglomérat de sociétés bas de gamme chinoises qui étaient mal gérées. — © Keystone
L'entreprise d’État n'est en fait qu'un conglomérat de sociétés bas de gamme chinoises qui étaient mal gérées. — © Keystone

Syngenta, comme tout le secteur agrochimique, a senti le vent tourner il y a près de deux ans. Les aléas météorologiques, inhérents à ce domaine d’affaires en contact direct avec les agriculteurs du monde entier, n’expliquaient plus la stagnation des ventes et du bénéfice du groupe bâlois. Une minorité influente des actionnaires de la société, principalement des détenteurs américains de titres, privilégient une vision stratégique à court terme, un rendement élevé, et un retour rapide sur investissement. Ce n’est par exemple pas du tout la philosophie et la vision à long terme d’une société comme la multinationale pharmaceutique Roche, dont le contrôle ultime reste en mains familiales.

Monsanto, concurrent historique de Syngenta, a très bien senti le coup. Le groupe américain, précurseur dans le domaine des OGM, a trouvé le talon d’Achille de Syngenta, dont une partie du cœur est issu de Geigy avant le grand mouvement de fusion qui a conduit, il y a une vingtaine d’années, à la création de Novartis et du groupe agrochimique basé à Bâle.

L’offre hostile de rachat de Syngenta par Monsanto visait, l’an dernier, à maximiser les profits à court terme des actionnaires. Elle a échoué face à la forte réticence de la direction et d’une partie du conseil d’administration de Syngenta qui avait de bonnes raisons de penser que le groupe bâlois pouvait sortir seul de l’ornière.

Mais l’opération avortée n’a pas étouffé l’envie d’une grande partie des actionnaires de toucher le jackpot. Peu importe avec qui. ChemChina paie plus de trois fois les ventes annuelles du groupe bâlois pour obtenir un joyau technologique. L’entreprise d’Etat n’est en fait qu’un conglomérat de sociétés bas de gamme chinoises qui étaient mal gérées.

Un fleuron s’en va

Même si le siège social de la société sera maintenu à Bâle et que le maximum d’emplois seront vraisemblablement préservés, d’autres solutions, plus conformes à la tradition helvétique des affaires, étaient envisageables. L’une d’elles, proposée par Jürg Witmer, ancien patron de Givaudan et vice-président de Syngenta, consistait à accepter ChemChina comme un actionnaire influent quoique minoritaire, qui aurait pu contribuer à relancer Syngenta.

Lire également: Un groupe chinois rachète Syngenta pour 43,8 milliards de francs

La solution brutale de l’absorption par le groupe étatique chinois est désormais proposée aux actionnaires impatients. Ironie de l’histoire, Syngenta a annoncé mercredi une amélioration de sa marge bénéficiaire qui représente désormais un confortable 20,7%, contre 19,3% en 2014. Syngenta gagne donc beaucoup d’argent et était sur le chemin du redressement de ses affaires. L’impatience de ses propriétaires conduit à la perte de contrôle d’un fleuron de l’industrie chimique bâloise. Si l’industrie pharmaceutique du nord-est de la Suisse est devenue florissante grâce aux mouvements de fusion, ce n’est pas le cas de la chimie qui est désormais presque entièrement, après Ciba et le secteur des vitamines de Roche, absorbée par des groupes étrangers.