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Le ralentissement américain sonne le déclin du dollar

Le billet vert est en chute libre depuis le 21 novembre. Pénalisé à court terme par l'amenuisement du différentiel de taux avec l'Europe, il apparaît aussi fragile à long terme.

Enclenché à la mi-octobre au terme d'un semestre de relative stabilité, le déclin du dollar ressemble de plus en plus à une débandade. Une semaine après avoir pulvérisé le seuil des 1,30 pour uneuro, il a encore perdu vendredi jusqu'à 0,6% à 1,3340 (-0,5% à 1,1901 franc) pour se rapprocher de son record de faiblesse historique contre la devise unique (1,3637 le 30 décembre 2004). Le billet vert a fait les frais du repli inattendu de l'indice des directeurs d'achat dans l'industrie, à 49,5 points en novembre contre 51,2 en octobre. En dessous de 50, l'indicateur révèle une contraction de l'activité manufacturière, un phénomène qui n'avait plus été observé aux Etats-Unis depuis le printemps 2003.

Cette statistique, qui couronne d'autres piètres nouvelles de la semaine (plongeon des commandes de biens durables, recul des ventes de maisons neuves), contraste avec l'accélération conjoncturelle en Europe. L'indicateur manufacturier de la zone euro, établi par Royal Bank of Scotland, s'est maintenu à 56,6 points en novembre après 57 en octobre.

La Fed l'arme au pied

«Il y a trop de déséquilibres aux Etats-Unis et les phases d'expansion ne durent pas à l'infini», a rappelé jeudi à Prague Allen Sinai, le fondateur de l'institut Decision Economics. Intervenant à l'occasion du colloque sur la mondialisation organisé par Pioneer Investments, il a toutefois relevé le caractère «inhabituel du cycle actuel de croissance, global, largement répandu et exempt de frictions». De ce fait, selon lui, la reprise de la croissance en Europe et le dynamisme de l'Asie contrebalanceront le ralentissement américain. Avec comme conséquence la poursuite de la normalisation monétaire au Japon et des hausses de taux sur le Vieux Continent. Dès le 7 décembre, la Banque centrale européenne devrait procéder au cinquième relèvement cette année de son taux directeur, à 3,5%.

Dans le même temps, et en dépit de la récente mise en garde du gouverneur Ben Bernanke sur l'émergence d'éventuelles tensions salariales aux Etats-Unis, la communauté des économistes estime que la Réserve fédérale restera encore l'arme au pied le 12décembre. Et que son prochain geste pourrait bien être un assouplissement. L'amoindrissement du différentiel de taux de part et d'autre de l'Atlantique prive le dollar d'une de ses béquilles, et d'ici un an, il risque de reculer à 1,50 contre l'euro, selon Allen Sinai. Une bonne raison d'après lui de sous-pondérer les actions américaines en 2007.

Mais le destin du billet vert n'est pas suspendu aux seuls écarts de rendement. A Prague, Joseph Stiglitz, prix Nobel en 2001, a affirmé que «le nouvel ordre économique mondial se caractérisait notamment par une érosion de la confiance dans le dollar». «Les Etats-Unis empruntent 3 milliards de dollars par jour. Cela n'est pas soutenable à long terme.» Les banques centrales étrangères n'envisagent déjà plus le billet vert comme la monnaie de réserve par excellence mais comme une richesse parmi d'autres, selon lui.

«Et, en matière de gestion de fortune, le principe de diversification s'impose. Il faut donc s'attendre à un mouvement de retrait par rapport au dollar, devenu risqué», affirme l'économiste, qui ne préconise rien moins que le lancement d'une nouvelle «monnaie de réserve globale synthétique».