Forward (5/8)
Si les PME sont moins visibles et semblent parfois moins attractives que les multinationales et les start-up, elles ont cependant d’évidentes ressources à faire valoir dans un contexte de pénurie de talents. Dont elles n’ont pas toujours conscience

Découvrez tous les mardis notre série liée au forum FORWARD: «Ma PME dans 5 ans, les nouvelles dimensions de l’innovation»
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La Scierie Zahnd n’offre pas de salaires mirobolants, de possibilité de travail à la maison et n’a pas de baby-foot dans un open space. Mais depuis les années 2000, les collaborateurs sont passés de 28 à plus de 50, et l’entreprise a su fidéliser: l’ancienneté moyenne dans l’entreprise est de plus de douze ans. La PME, qui se situe à Rueyres, dans le canton de Vaud, compte nombre de scieurs bien sûr, mais aussi des postes de comptabilité, d’achat, ou encore de gestion administrative.
Les entreprises suisses souffrent d’une pénurie de talents: 33% des employeurs en Suisse indiquent ne pas réussir à trouver les compétences qui leur font défaut, selon une étude Manpower 2018. «Les PME sont cependant un peu moins touchées que les grandes entreprises et elles représentent deux tiers des emplois en Suisse, atteste Romain Hofer, responsable communication pour ManpowerGroup Suisse. Mais elles sont moins visibles. Nous parlons beaucoup des start-up, qui font souvent rêver grâce à leur dimension innovante, et des multinationales qui sont très connues du grand public.»
«Chez nous, les gens ne sont pas des numéros»
Comment expliquer le pouvoir de séduction de la Scierie Zahnd, à l’heure où les PME semblent parfois moins attractives? Par un respect des employés, d’abord. L’entreprise applique la parité salariale et le salaire minimum y est de 4000 francs, sur treize mois. «Les heures supplémentaires sont payées avec majoration ou compensées en congé équivalent, et tous les collaborateurs ont cinq semaines de vacances quand la loi et la convention collective du secteur en indiquent quatre», précise Thierry Zahnd, directeur des opérations, qui dirige l’entreprise avec ses deux frères, Claude Zahnd, directeur de production, et Laurent Zahnd, directeur technique. Le côté familial est un autre élément qui attire. «Nous sommes proches des employés, nous travaillons avec eux tous les jours. Chez nous, les gens ne sont pas des numéros.»
Pour les PME, se démarquer pour attirer et retenir les talents est ainsi un véritable challenge. Mais elles peuvent précisément se différencier… grâce à leur simplicité. Elles ont en effet des atouts qu’elles sous-estiment, juge Anne-Marie Van Rampaey, consultante en ressources humaines et management. «Elles peuvent se distinguer sur la notion de proximité, en particulier auprès d’employés de multinationales qui ont envie d’une équipe où ils peuvent davantage exister et où le dirigeant est accessible.»
Ces sociétés doivent ainsi mettre en valeur leur considération des collaborateurs. Cela doit commencer dès le début, à savoir lors de l’entretien d’embauche. «Si le dirigeant vient se présenter, même une vingtaine de minutes, le candidat voit qu’il ne sera pas juste un énième employé», constate la consultante.
L'avantage des petites structures
De même, le travail réalisé dans de plus petites structures peut s’avérer très stimulant: «Il est possible de voir plus simplement le résultat de son travail, et d’avoir un sentiment de participer à la réussite globale de l’entreprise», estime Romain Hofer. Les opportunités de gravir les échelons sont aussi souvent plus faciles.
Cette notion de sens au travail peut valoir davantage que tous les privilèges qu’offrent les grandes entreprises. Anne-Marie Van Rampaey reçoit souvent des demandes de cadres en situation financière excellente, mais qui ne voient plus d’intérêt à leur quotidien professionnel. Et sont parfois prêts à diviser leur salaire par deux pour retrouver du plaisir dans leur métier.
Certains avantages qu’offrent les multinationales peuvent cependant inspirer les PME. C’est en tout cas l’avis de la consultante: «Il existe souvent une réticence des dirigeants par manque de connaissance. Beaucoup refusent par principe les temps partiels parce qu’ils estiment qu’ils coûtent trop cher, sans avoir essayé, regrette-t-elle. En entretien, certains demandent par exemple s’il serait concevable de travailler à 80%. Dire et faire en sorte que ce soit envisageable permettra peut-être d’embaucher puis de garder un bon élément.»
S’inspirer de la polyvalence des startupers
Les start-up peuvent-elles aussi être un modèle pour les petites et moyennes entreprises? «Oui, poursuit Anne-Marie Van Rampaey. Elles peuvent s’inspirer de leur travail collaboratif et de la polyvalence des employés qui sont moins dans des postes figés. Cette organisation peut permettre d’éviter la routine et de donner ce sentiment de dynamisme et d’implication qui attire dans les start-up.»
Cela dit, les deux experts sont bien d’accord: c’est sur leurs atouts propres, à savoir le sens trouvé au travail, la proximité ou encore l’ambiance familiale que les PME ont une carte à jouer. Reste fréquemment le problème de la visibilité, les grandes entreprises ayant notamment plus de moyens de se présenter dans les forums d’emploi.
Une PME a particulièrement su s’attirer le feu des projecteurs. C’est la chocolaterie Camille Bloch, située à Courtelary dans le Jura bernois. Depuis 2017, la chocolaterie a embauché une trentaine de nouveaux collaborateurs en raison de l’ouverture d’un centre visiteurs. Qui permet ainsi une notoriété supplémentaire, envers le public mais aussi envers de potentiels employés. «Le chocolat en tant que produit et nos marques Ragusa et Torino attirent des collaborateurs, qui viennent de la région mais aussi de plus loin», rapporte Jessica Herschkowitz, responsable communication.
D’autres éléments joueraient un rôle. «L’ambiance de travail est très familiale, assure la communicante. Notre directeur, Daniel Bloch, petit-fils du fondateur, est très présent.» Dans les PME, les collaborateurs peuvent apprécier avant tout le poste en lui-même plutôt que des prestations annexes. Jessica Herschkowitz le confirme pour Camille Bloch: «L’entreprise propose des salaires corrects bien sûr, mais si un travail n’a pas de sens, aucun salaire ne sera jamais adéquat.»

Découvrez tous les mardis notre série liée au forum FORWARD:
«Ma PME dans 5 ans, les nouvelles dimensions de l’innovation», le mardi 3 mars 2020 à l'EPFL.
Programme et inscriptions: forward-sme.epfl.ch