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La réglementation autour des food trucks est encore inégale

En quelques années, les camions-restaurants se sont multipliés en Suisse, grâce à l’absence quasi totale de cadre juridique. Aujourd’hui, les cantons tardent à établir des règles permettant d’équilibrer la concurrence avec la restauration classique

Les food trucks connaissent un véritable engouement en Suisse depuis quelques années. — © JEAN-CHRISTOPHE BOTT / KEYSTONE
Les food trucks connaissent un véritable engouement en Suisse depuis quelques années. — © JEAN-CHRISTOPHE BOTT / KEYSTONE

Les food trucks sont désormais partie intégrante du paysage urbain. Aujourd’hui, «une cinquantaine» de camionnettes sont enregistrées auprès du Service de la consommation et des affaires vétérinaires de Genève. Elles seraient une centaine à sillonner les routes vaudoises. Le concept, importé des Etats-Unis, s’est rapidement propagé ces dernières années, profitant de la réglementation presque inexistante.

Aucune barrière d’entrée

Avant 2015, aucune formation ni autorisation n’était en effet requise pour lancer son activité de restauration mobile en Suisse. Face à l’engouement suscité par les camions-restaurants, les communes – Lausanne et Genève en chefs de file – ont lancé il y a trois ans des appels d’offres afin d’attribuer des emplacements publics aux entrepreneurs. Les associations romandes de cafetiers et restaurateurs sont immédiatement montées au créneau, dénonçant une concurrence déloyale.

«A l’époque, GastroFribourg s’est soulevée contre cette initiative en raison du vide juridique: les food trucks n’étaient soumis à aucune patente, explique Muriel Hauser, présidente de la faîtière cantonale. D’autre part, l’association a considéré qu’un exécutif communal ne disposait pas de la légitimité pour procéder à un tel appel d’offres.» La tension entre les restaurateurs «nomades» et «sédentaires» existe depuis toujours, selon Pierre-Antoine Hildbrand, conseiller municipal PLR à la ville de Lausanne. «Les exploitants qui disposent d’un local n’ont pas les mêmes contraintes, pas le même loyer, les mêmes normes techniques ou les mêmes charges» ajoute-t-il.

Réglementation

Peu à peu, les autorités cantonales fixent les contours juridiques relatifs à la «restauration ambulante». Dans le canton de Fribourg, les exploitants doivent depuis le 1er janvier 2017 obtenir une patente et suivre une formation d’une dizaine de jours. Pour Muriel Hauser, «l’ajustement de la législation a permis d’équilibrer les forces».

Dans le canton de Vaud en revanche, la juridiction est plus lente à se mettre en place. «Depuis le début des années 2000, toutes les modifications des législations sur le sujet, tant fédérales que cantonales, ont été clairement introduites pour alléger les exigences en lien avec le commerce itinérant», précise Pierre-Antoine Hildbrand. «En termes de réglementation pure, les food trucks sont encore très libres dans le canton de Vaud» note Philippe Ligron, président de l’association Lausanne à Table. «Aucune formation, aucun apprentissage n’est requis aujourd’hui», ajoute-t-il.

La sélection des candidats pour les emplacements publics est désormais soumise aux associations comme Gastrovaud et GastroLausanne. De quoi faire retomber quelque peu la tension auprès des restaurateurs. «Il faut continuellement concilier les intérêts, conclut Pierre-Antoine Hildbrand. L’évolution du cadre juridique cantonal doit permettre une concurrence saine.»

Marges serrées

De nombreux entrepreneurs franchissent le pas en Suisse. L’investissement initial (entre 60 000 et 100 000 francs pour une camionnette équipée) est bien moins élevé qu’un local de restauration traditionnel, et «apporte beaucoup plus de flexibilité» selon Lorraine Fragnière, directrice du food truck La Gamme L, qui cuisine des produits locaux. Les professionnels notent toutefois la nécessité de suivre une formation et saluent le renforcement de la législation. «C’est une bonne chose pour la concurrence», affirme Laurent Billante, directeur de The Rolling Chefs, qui dispose de trois roulottes commercialisant des burgers et des wraps. «Aujourd’hui, la frontière entre les restaurants établis et l’alimentation mobile est étroite.»

La tendance food trucks risque de se pérenniser dans les cinq ou dix années à venir

L’itinérance est par ailleurs le véritable défi des food truckers. «D’une journée à l’autre, les ventes peuvent varier considérablement. Il faut à tout prix limiter les pertes de marchandises quand on se lance», précise Laurent Billante. Les charges peuvent rapidement s’accumuler si l’entreprise dispose d’un laboratoire de préparation. «La marge avec une TVA plus basse est identique à celle d’un restaurant si nous faisons une moyenne de nos activités», insiste Laura de Falco, fondatrice de sO’risO, spécialiste des produits sans gluten.

Le chiffre d’affaires annuel d’un entrepreneur peut atteindre entre 170 000 et 200 000 francs par camionnette. Les événements privés prennent de plus en plus d’importance dans les activités des entrepreneurs. En attendant de nouvelles réglementations, «la tendance food trucks risque de se pérenniser dans les cinq ou dix années à venir», soutient Laurent Billante.

Les contrôles d’hygiène renforcés

Certains restaurateurs pointaient régulièrement du doigt le manque d’hygiène dans la restauration ambulante. Le Service de la consommation et des affaires vétérinaires (SCAV) de chaque canton peut désormais effectuer des contrôles inopinés sur les camionnettes, à l’instar des restaurants. «Les food trucks sont soumis à la législation fédérale sur les denrées alimentaires et le service peut faire des contrôles, notamment d’hygiène, affirme Patrick Edder, chimiste cantonal au SCAV de Genève. La principale difficulté est de trouver ces camions-restaurants et d’obtenir ces informations auprès des communes, qui ne sont pas toujours très coopératives.»

Pour l’heure, la restauration ambulante ne présente pas plus d’irrégularités que les restaurants fixes. «Il n’y a pas plus de problèmes que dans la restauration, précise Patrick Edder. Tout dépend de la manière dont la nourriture est transformée. Certains entrepreneurs ne font que vendre les produits qui ont été préalablement cuisinés ailleurs. D’autres transforment la nourriture sur place.» En cas de non-respect des normes d’hygiène, le food truck peut être fermé et interdit d’exploitation.