Voir sa ville il y a cent ans? S’installer sur une place connue d’une autre cité suisse et en voir les contours à travers les siècles? La technologie permet toujours plus de voyages dans l’histoire et les villes suisses s’y mettent les unes après les autres, choisissant méthodes et jalons historiques différents.

Cette année, la plus grande ville de Suisse n’a pas voulu se contenter de fêter les 125 ans du «grand Zurich», lorsque plusieurs communes voisines l’ont rejointe. «Une date [1893] en soi, ça ne dit rien. Nous avons plutôt voulu raconter les transformations», explique Nicola Behrens, collaborateur scientifique aux archives zurichoises. Plusieurs services municipaux ont ainsi mis leurs ressources en commun pour proposer un «voyage numérique dans le temps» à l’occasion de cet anniversaire, où chaque mois raconte un chapitre différent de cette évolution.

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De la population à la culture et aux loisirs en passant par l’aménagement du territoire et la politique. Un voyage interactif, agrémenté de vidéos, d’animations et d’images d’archives, qui permet de découvrir quelques surprises sur la métropole. Même pour ceux qui la connaissent par cœur: «Voir comment la ville grandit est tout simplement spectaculaire», s’enthousiasme Nicola Behrens.

Pic dans les années 1960

On apprend ainsi qu’en cent vingt-cinq ans la population du grand Zurich a quasiment quadruplé, passant de 120 000 à 423 203 habitants, venant de 170 pays. Une croissance qui n’a rien de linéaire: d’ailleurs la ville n’a jamais retrouvé le pic atteint dans les années 1960.

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Utilisation de l’espace, majorité politique, fréquentation des cinémas et des Badis, les fameux bains zurichois, la ville a fait un grand travail de mise en valeur d’archives, dans un style plutôt sobre, qui privilégie la masse d’informations au spectaculaire que peuvent offrir les nouvelles technologies. «Les regards historiques sont très appréciés des citoyens, nous en avons déjà fait l’expérience», justifie la porte-parole de la ville. D’autant plus que l’opération était peu coûteuse, une grande partie des archives ayant déjà été numérisée, poursuit-elle.

Réalité virtuelle et augmentée

Ce n’est pas toujours l’option choisie. En 2016, Zurich avait procédé à un travail historique permettant, avec la réalité augmentée, de découvrir la ville à l’époque des lacustres. On pouvait voir, à la place de l’opéra, un petit village de pêcheurs, par exemple. L’expérience avait fait l’objet d’une exposition temporaire.

D’autres visent la durée. Neuchâtel a lancé ce printemps une application, Totemi, permettant de découvrir la ville «sur les traces d’un fantôme au tournant du XXe siècle» et incluant la réalité augmentée pour mieux plonger dans le passé. Le visiteur suit un parcours interactif, d’environ deux heures, intitulé «Les fantômes de la Belle Epoque», qui souhaite montrer les «réalités sociales du début du XIXe siècle», permettre de rencontrer les «illustres contemporains» du fantôme et «partager ses dilemmes». L’app, qui se veut ludique au possible, lance au visiteur le défi de «lui faire retrouver son Grand Amour».

Connaître l’histoire horlogère

La Chaux-de-Fonds n’est pas en reste, puisqu’elle a mis au point son propre parcours pour découvrir son «urbanisme horloger». C’est le patron d’une manufacture et son ouvrier qui guident le touriste à travers les siècles, des petits ateliers jusqu’à l’ère industrielle. L’app, également équipée de réalité augmentée, permet de jeter un œil dans les manufactures telles qu’elles se présentaient à l’époque.

Mais c’est Genève qui s’est montrée la plus audacieuse en misant sur la réalité virtuelle pour se plonger dans la ville en 1850 en 3D alors qu’elle était encore fortifiée. La Suisse n’est pas le seul pays où les municipalités veulent rendre l’exploration de leur passé accessible à tous. La Bruges médiévale ou Luxembourg sont d’autres exemples d’introspection de cités qui veulent mettre en valeur leur histoire de façon ludique.

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En Suisse encore, la Société suisse des ingénieurs et des architectes (SIA) a mis au point sa propre app, Swiss Squares, qui permet de mieux connaître l’évolution de plusieurs dizaines de places des villes suisses. Sobre, elle est l’une des pionnières, puisque les premières visites ont pu être disponibles pour Zurich en novembre 2013. Le projet n’a ensuite cessé de se développer pour compter sa dixième ville (toutes alémaniques, sauf Sion) en juin 2017. Comptant près de 12 400 téléchargements, selon la SIA, cette application avait pour but de «discuter de l’espace public et de son utilisation, mais aussi de mettre en valeur la culture du bâti en Suisse», explique Claudia Schwalfenberg, responsable de ce projet à la SIA.