Son départ pourrait annoncer un coup de théâtre dans l'industrie automobile russe. Derrière la soudaine démission cette semaine d'Igor Yesipovsky, le directeur général d'AvtoVAZ, il y aurait en effet un projet de fusion qui provoquerait de profondes divergences à la tête du géant hérité de la période soviétique: le producteur de la Lada s'apprêterait à se marier avec Renault.
Ce projet permettrait au groupe, affaibli par la croissante concurrence de voitures venues de l'étranger, de se relancer. AvtoVAZ a terminé l'année 2005 avec un bénéfice net de 51millions de dollars, soit une chute de 75% par rapport à l'exercice précédent. «La compagnie est dans une mauvaise passe», prévient une récente analyse de la banque Deutsche UFG, trouvant «étranges» les divisions au sein de sa direction. Le départ d'Igor Yesipovsky, qui se serait opposé à la vente d'une partie du capital à un groupe étranger, devrait désormais apporter un peu de clarté.
C'est Vedomosti, le très sérieux quotidien économique russe, qui le premier avait déjà évoqué ce projet en juin: le constructeur français entrerait dans le capital d'AvtoVAZ à hauteur de 25% et établirait de nouvelles lignes de production pour sa Logan.
L'objectif serait de fabriquer quelque 450 000 exemplaires de sa petite auto familiale à prix imbattable. Renault a déjà investi 230 millions d'euros (361,7 millions de francs) l'an passé pour ouvrir une usine Logan à Moscou. Le nouveau projet aurait été discuté lors d'une récente visite à Paris de Vladimir Artakov, le patron d'AvtoVAZ. C'est à sa demande qu'une quarantaine de représentants de Renault se sont ensuite rendus à Tagliatti, la ville historique du groupe.
«Cet accord aurait un sens économique. AvtoVAZ dispose d'immenses capacités de production et manque d'idées neuves. Renault, lui, veut s'étendre en Russie et il a pris du retard par rapport à d'autres fabricants mondiaux, notamment les Japonais et les Coréens», assure Tatiana Kapoustina, analyste de la banque russe Aton Capital.
Visées du Kremlin
Ce secteur est en effet en plein boom, avec une croissance de 30% par an depuis 2000. Ford vient d'annoncer cette semaine un investissement de 250 millions de dollars pour doubler la production de son usine à Saint-Pétersbourg.
Mais Tatiana Kapoustina rappelle aussi que AvtoVAZ n'est pas une compagnie comme une autre: elle a été rachetée l'an passé par Rosoboronexport, le monopole public de production d'armes qui, soupçonné d'agir sous les ordres du Kremlin, l'aiderait à reprendre en main des secteurs entiers de l'économie. Un accord entre Renault et AvtoVAZ devra donc passer par le bureau de Vladimir Poutine...