La série des rachats de groupes suisses par des géants chinois ne s’arrête pas. Lundi, HNA, le géant de la province du Hainan, s’est porté acquéreur de Gategroup. La semaine passée, le célèbre palace vaudois Le Mirador passait lui aussi en des mains chinoises, déjà propriétaires de l’horloger Corum. En février, Syngenta était repris par ChemChina et les gourdes Sigg par Hears Vacuum. Depuis janvier, la moitié des acquisitions réalisées dans le monde par des groupes chinois ont eu lieu en Suisse.

Annoncée deux jours après une visite en Chine du président Schneider-Ammann célébrant des relations au beau fixe entre les deux pays, la reprise de l’ancienne filiale de service à bord de Swissair est appuyée à l’unanimité par la direction actuelle. Elle voit dans l’ancrage en Asie de HNA, un spécialiste du transport aérien et de la logistique, l’occasion de s’y développer. L’offre, payée «cash», valorise Gategroup à 53 francs par action, soit 1,4 milliard de francs et 20% de plus que le cours de clôture de vendredi. Ce montant ne satisfait cependant pas deux actionnaires anglo-saxons, RBR Capital et Cologny, qui le jugent beaucoup trop bas. Les analystes de Vontobel et Baader Helvea l’ont eux qualifié de juste et intéressant. L’assemblée générale annuelle tranchera ce jeudi.

L’opération tranche avec d’autres rachats, relève un financier à Hongkong. Car Gategroup perd de l’argent (63,4 millions de francs en 2015). Mais «HNA va jouer sur la croissance du marché et sur les économies d’échelle pour accélérer le redressement de la compagnie suisse», analyse-t-il. En 2015, le transport aérien dans la région Asie Pacifique a connu la plus forte progression au monde, selon IATA. L’organisation professionnelle s’attend à une nouvelle année de croissance cette année.

HNA semble suivre la stratégie adoptée par plusieurs autres groupes chinois qui viennent chercher en Suisse du savoir-faire afin d’assurer leur propre développement alors que l’économie chinoise décélère. La direction de Gategroup est d’ailleurs confortée dans ses responsabilités. Le siège de l’entreprise reste à Zurich. Dans l’immédiat, la transaction profite à Credit Suisse, qui conseille Gategroup, et à UBS, du côté de HNA.

Depuis Swissport, racheté 2,7 milliards de francs en juillet dernier, HNA a encore déboursé 2,5 milliards de dollars pour Avolon Holding, un loueur d’avion irlandais. En février, il a sorti 6 milliards de dollars en s’emparant du distributeur américain de produits électroniques Ingram Micro. En janvier, un partenariat en Chine a été signé avec Uber. Dans une note du mois dernier, Will Horton, analyste chez Capa, imagine que le prochain grand coup pourrait être de s’emparer d’une compagnie aérienne américaine. Tout ne lui réussit cependant pas. En octobre, il a retiré son offre de rachat du voyagiste français Fram.

Créée en 1993, HNA se présente sur son site web comme un «miracle» de l’économie chinoise. Une réussite qui tient aussi au financier américain Georges Soros, qui a investi dans Hainan Airlines dès 1995. Depuis, la petite compagnie aérienne de l’île de Hainan, la province la plus méridionale de Chine, a assez grandi pour entrer au classement de Fortune des 500 principaux groupes du monde. Elle revendique quelque 180000 employés, 28,5 milliards de chiffre d’affaires, mais ne communique pas son bénéfice.

Enfin, Chen Feng, son fondateur, est atypique. Son groupe est privé, à la différence de ChemChina, dont le bâtisseur, Ren Jianxi a toujours joué un rôle politique en représentant aussi les intérêts du parti communiste dans son entreprise. Il se distingue aussi de Guo Guanchang. Le patron de Fosun, autre groupe chinois à s’être illustré en Europe, notamment après la reprise du Club Med, n’a étudié qu’en Chine. Chen Feng, 63 ans en juin, a lui fait ses études en Allemagne. Il est diplômé du Lufthansa College of Air Transport Management. Dans une rare interview, publiée en 2014 dans le South China Morning Post, il déclarait: «Je ne bois pas, je ne fume pas, je ne vais pas au karaoke ou me faire faire des massages. Je suis très différent des autres entrepreneurs de Chine.»