Republik, un premier anniversaire et quelques doutes
Médias
Après avoir levé 7 millions de francs, le média numérique zurichois propose à ses lecteurs de modéliser différents scénarios pour ne pas se retrouver «fauché». Attendu pour ce printemps, le média romand Heidi.news est aussi en campagne

La courbe violette chute en piqué avant de s’écraser quelque part en 2023. La date où, «si rien ne change», Republik fera faillite, laissant une ardoise de 6,6 millions de francs. Ce scénario du pire a été publié lundi par le magazine zurichois en ligne lui-même. Dans une volonté de parer aux critiques en faisant preuve d’une totale transparence, mais aussi pour rappeler à ses 22 000 abonnés, à 240 francs par an, de renouveler les contrats arrivant à échéance.
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Car la start-up médiatique, qui était parvenue à lever 7 millions de francs à son lancement il y a juste un an (dont la moitié en crowdfunding), a un autre plan pour son futur. Elle propose à ses abonnés, qui codétiennent 47,4% du titre, de simuler eux-mêmes plusieurs scénarios pour la survie du titre.
«En tant que média sans publicité, nous n’avons qu’un seul client, donc un seul patron: vous», explique la rédaction, qui invite à partager les meilleures «prophéties» sur les réseaux sociaux, mais rappelle que, bien que théoriques, ces décisions ne sont pas indolores.
L’heure des comptes
Parmi les mesures retenues par la rédaction pour remettre le média à flot dans les quatre ans: 1) Un taux de renouvellement des abonnements espéré entre 50 et 65%. 2) L’arrivée de 675 nouveaux lecteurs par mois grâce à du marketing ciblé, le rythme de croisière étant à 430 par mois pour le média. 3) Un investissement ou un don unique de 1 million de francs. 4) Le plus douloureux: une diminution des coûts de 10%, afin de baisser les dépenses mensuelles à 490 000 francs dès cet été. Deux tiers du budget est relatif aux 50 membres du personnel du média.
Interpellé par Le Temps sur de possibles licenciements, le cofondateur de Republik Christof Moser n’écarte pas des «décisions individuelles en matière de personnel» puisque «tout est possible. Nous sommes une start-up.» L’abonné No 1 souligne toutefois que le taux de renouvellement devrait dépasser les attentes. Avant de vanter: «Depuis la communication des scénarios, le nombre de nouveaux membres explose. A ce jour, il y en a déjà plus de 600 en janvier. L’effet de la transparence.»
Journalisme pour les journalistes
Marco Brunner fait partie de ceux qui ont choisi de ne pas renouveler leur abonnement. Dans une lettre ouverte publiée sur la plateforme Medium, le journaliste indépendant se dit «déçu» par ce produit hybride qui avait promis de sauver la démocratie. «J’ai besoin de nouvelles, de faits et de classements. Et pas de journalistes écrivant pour des journalistes», critique l’abonné No 1258 de Republik, évoquant des sujets trop conformistes, des traductions d’articles parus ailleurs et pas assez de travaux d’investigation.
Ancien membre de la direction du Monde, Serge Michel se dit, lui, «admiratif du beau projet de Republik, qui a montré que le besoin d’information n’a pas diminué». Il admet que le projet a «peut-être atteint certaines limites» mais espère que «cela les poussera à réinventer quelque chose».
En attendant le romand Heidi. news
Cet ancien du Temps et de L’Hebdo se prépare à lancer Heidi.news, avec une équipe resserrée de journalistes. Basé à Genève, ce média en ligne proposera, en français et en anglais, deux formats distincts: des Flux, une sélection de 10 à 15 contenus par jour autour de la santé ou la science, et des Explorations, soit des grands récits, reportages ou enquêtes déclinés en une dizaine d’épisodes publiés à un rythme hebdomadaire. «On ne peut pas promettre de scoops aux lecteurs, précise Serge Michel. Mais simplement que l’on va se concentrer sur des sujets pour lesquels on a une expertise forte.»
La campagne de préfinancement de Heidi. news a pour l’heure réussi à convaincre 750 des 2000 membres fondateurs attendus d’ici au lancement le printemps prochain. Soit 320 000 francs de budget projeté (à 160 francs l’offre annuelle de soutien), auxquels s’ajoute 1 million de francs levés auprès de dix investisseurs privés romands.
Il y a un an, Nadja Schnetzler, l’ex-présidente de la coopérative de Republik, lançait déjà un avertissement qui vaut pour l’ensemble du secteur: «Il faut maintenant convaincre les lecteurs de rester. C’est une autre tâche que de lancer un projet.»