La coalition rassemblant les grands pays émergents – Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud, soit les BRICS – veut augmenter son influence. Elle s’apprête à accueillir de nouveaux membres: l’Argentine, le Nigeria, le Kenya et l’Indonésie sont candidats, et une décision à leur égard devrait être prise lors du 14e sommet des BRICS qui a lieu ces jeudi et vendredi à Pékin, en personne et en mode virtuel. Aujourd’hui, les cinq membres représentent 3,2 milliards de personnes, soit 42% de la population mondiale et 31% du produit intérieur brut (PIB) mondial.

L’histoire s’écrit ces jours. Presque parallèlement au rendez-vous des BRICS, le sommet du G7 (qui regroupe sept pays riches occidentaux) se tiendra du 26 au 28 juin dans la petite ville allemande de Krün, en Bavière. Il sera suivi d’une autre rencontre au plus haut niveau, celle de l’Alliance atlantique (OTAN) les 29 et 30 juin à Madrid. Ces divers rendez-vous jettent les jalons d’un monde bipolaire où les décisions géopolitiques et économiques ne seraient pas l’apanage d’un seul pays ou d’un seul groupe. Alors que le G7 et l’OTAN s’apprêtent à annoncer de nouvelles propositions pour augmenter la pression sur la Russie, après quatre mois de guerre en Ukraine, le président russe, Vladimir Poutine, pourra participer au sommet des BRICS. Trois pays du groupe (Inde, Chine, Afrique du Sud) s’étaient par ailleurs abstenus lors du vote à l’ONU en mai, qui appelait la Russie à mettre fin à son attaque.

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Alliance de circonstance

Pourtant, tout laissait croire que les BRICS allaient mourir de leur belle mort, tant la coalition était perçue comme une alliance de circonstance aux intérêts disparates. Le Brésil défend par exemple une agriculture industrielle et exportatrice, quand l’Inde soutient sa paysannerie artisanale. En outre, New Delhi et Pékin sont engagés dans une guerre commerciale qui a conduit l’Inde à imposer de nombreuses restrictions sur les exportations chinoises. Les deux pays se mènent également une guerre sournoise le long de leur frontière commune dans l’Himalaya.

«Il y a sans aucun doute une ligne de fracture entre les BRICS, au sein desquels la Chine joue un rôle moteur, et les pays occidentaux, dont les Etats-Unis, sont le chef de file», commente un professeur d’université de Genève qui préfère rester anonyme. Selon lui, les instruments économiques mis à disposition des membres sont attrayants. Dans une interview au Global Times, média chinois en ligne proche du pouvoir, l’ambassadeur argentin basé à Pékin affirme que «les mécanismes de coopération des BRICS, notamment The New Development Bank, sont fondés sur le respect mutuel et sur un principe gagnant-gagnant». Cette institution financière a été créée en 2014 comme une alternative à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international, qui pratiquent des conditions de prêt strictes aux pays émergents ou en développement qui se trouvent en difficulté.

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Le paradoxe indien

Parmi les pays africains, le Nigeria, 206 millions d’habitants et d’importantes ressources énergétiques, ainsi que le Kenya – qui représenterait l’Afrique de l’Est – pourraient devenir membres des BRICS. Jusqu’ici, l’Afrique du Sud, qui a rejoint le groupe en 2010, était le seul pays à représenter le continent et son 1,4 milliard d’habitants. En Asie, c’est l’Indonésie qui a proposé de rejoindre le club.

En réalité, un grand nombre de pays d’Asie, d’Afrique et d’Amérique du Sud sont déjà connectés par le biais des nouvelles Routes de la soie, et leurs projets d’infrastructures sont financés par la banque des BRICS. L’Inde en est le plus grand bénéficiaire. «Sur les 30 milliards de dollars consacrés à 80 projets, 21 sont basés en Inde et concernent la mise en place d’infrastructures dans les domaines de la distribution de l’eau, des transports et de l’énergie, pour un montant total de 7,1 milliards de dollars», souligne le Global Times. Le premier ministre indien, Narendra Modi, participe en personne au sommet des BRICS. Un paradoxe, puisqu’il a aussi participé fin mai à une réunion des Quad, une alliance de coopération militaire formée des Etats-Unis, du Japon, de l’Australie et de l’Inde, à Tokyo, contre la Chine.

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