Robots-conseillers: l’âge de raison
Technologie
Conçus comme des plateformes d’investissement automatisées à très faible coût, les «robo-advisors» ne cessent d’élargir leur offre de produits et de services. Coopérer avec des instituts établis reste néanmoins une nécessité pour nombre de ces acteurs

Parmi les nombreuses révolutions annoncées en finance, les robots-conseillers, ou robo-advisors en anglais, ont fait l’objet de beaucoup de spéculations ces dernières années. En 2015, Morningstar Research a défini les robots-conseillers comme étant des plateformes numériques proposant des portefeuilles d’investissement automatisés, en partie personnalisés en fonction du profil des utilisateurs, et qui sont directement mis à la disposition des clients finaux.
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Serge Kassibrakis, responsable de la gestion quantitative chez Swissquote et membre de la direction, indique que «les gens s’imaginent souvent beaucoup de choses au sujet des robo-advisors. Certains pensent qu’il s’agit de plateformes entièrement pilotées par l’intelligence artificielle, sans aucune intervention humaine, alors que c’est encore loin d’être le cas.» Or, rappelle-t-il, les robots-conseillers reposent sur des théories développées depuis de nombreuses années.
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Plus de 300 millions de francs sous gestion en Suisse
En Suisse, la douzaine de prestataires qui proposent une offre de robo-advisor gérait à fin 2018 quelque 320 millions de francs d’actifs, selon l’IFZ/AMP Asset Management Study 2019, réalisée conjointement par l’Asset Management Platform (AMP) et l’institut IFZ rattaché à la Haute Ecole de Lucerne. Cela reste très faible par rapport aux quelque 430 milliards de dollars gérés par les leaders de ce marché aux Etats-Unis. En Suisse, les montants confiés à des robo-advisors ne représentent d’ailleurs que 0,01% du total de la fortune qui y est gérée, soit beaucoup moins qu’aux Etats-Unis (0,48%).
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Une gamme d’instruments toujours plus vaste
La palette de services et d’actifs offerts par les robots-conseillers s’étoffe constamment. En plus d’un univers de placement déjà vaste, la start-up zurichoise True Wealth propose désormais aussi des produits conformes aux principes de l’investissement durable (SRI) à ses clients, explique Felix Niederer, son directeur. Swissquote, qui avait lancé son offre de robot-conseiller en 2010, a inclus fin août deux nouvelles catégories de placements dans sa solution de «Robo-Advisory», à savoir l’immobilier et les cryptomonnaies.
En élargissant constamment leur offre, les robo-advisors ne risquent-ils pas de devenir trop complexes? Chez True Wealth, Felix Niederer distingue deux types de clients. «Environ 50% des utilisateurs sélectionnent eux-mêmes différentes sous-catégories d’actifs, estime-t-il. La plateforme doit rester suffisamment intuitive pour tous, soit l’autre moitié des clients. Ceux-ci préfèrent investir en fonction des stratégies de placement prédéterminées qui leur sont proposées.»
Performance supérieure à celle des fonds stratégiques
Le principal argument mis en avant par les robots-conseillers est celui des coûts. Avec des frais de gestion moyens estimés à 0,73%, les coûts des robots-conseillers en Suisse sont certes très inférieurs à ceux prélevés par les gérants de fortune traditionnels (1,51%), selon l’étude publiée en août par l’AMP. Ils restent néanmoins deux fois plus élevés que ceux qui opèrent aux Etats-Unis (0,36%).
Avec quelle performance? Compte tenu de l’historique encore récent des robots-conseillers actifs en Suisse, une comparaison directe avec les gérants de fortune classiques reste difficile, admet l’IFZ dans un commentaire publié en juin sur son blog. L’étude a comparé la performance des robo-advisors, calculée pour trois profils de risque distincts avec des parts en actions différentes (0 à 25%, de 25 à 50% et plus de 50%), avec celle de fonds stratégiques en Suisse. «Nos résultats montrent qu’entre 2000 et 2018 les portefeuilles gérés par les robo-advisors ont, selon les différents profils de risque pris en compte, obtenu un rendement, après déduction des coûts, pouvant être jusqu’à 2% plus élevé par an à celui obtenu par les fonds stratégiques comparables», conclut IFZ.
Des partenariats souvent indispensables
Malgré tout, peu de robo-advisors ont réussi à percer en solo jusqu’ici. Aux Etats-Unis, des purs robots-conseillers comme Betterment ou Wealthfront gèrent désormais plusieurs dizaines de milliards de francs. Les robo-advisors européens restent plus modestes: en France, début août, le robot-conseiller Marie Quantier a cessé ses activités, tandis que WeSave a été racheté par le gérant d’actifs Amundi en début d’année. Les perspectives apparaissent plus favorables en Allemagne, où les montants confiés aux robots-conseillers, qui s’élevaient à 2,8 milliards d’euros en 2018, pourraient franchir le seuil des 10 milliards de francs en 2020, estimait le cabinet de conseil Oliver Wyman.
En Suisse, plusieurs robo-advisors ont très tôt choisi de coopérer avec des instituts établis. True Wealth collabore entre autres avec Regiobank Solothurn depuis l’été dernier. A Bâle, Clevercircles, qui appartient à la Banque CIC, propose une offre qui repose avant tout sur une sélection de fonds indiciels. L’établissement régional zurichois BSU Bank a, lui, mis sur pied la plateforme Investclick.ch en coopération avec le robot-conseiller zougois Descartes Finance.
Les robo-advisors finiront-ils par se substituer aux gérants en chair et en os? L’un n’exclut pas l’autre, estime Serge Kassibrakis: «Pour un client fortuné, l’offre d’un robot-conseiller ressemblera effectivement toujours plus à une offre de gestion d’actifs telle qu’elle est proposée par des gérants de fortune. Un gérant peut tout à fait déléguer au robo-advisor l’implémentation de la gestion du portefeuille et se concentrer, lui, sur la relation avec le client final, ainsi que la détermination des vues de marché», met en perspective le spécialiste.
Partenaire chez Finstoy à Lausanne, Nicolas Dénervaud propose à ses clients la solution Robo-Advisory de Swissquote en «white label» pour différents types de mandats, déclinés en fonction des possibilités de la plateforme. Le robo-advisor fait de la gestion active en fonction de critères arrêtés par le client. «En trois minutes, la machine est capable de produire les mêmes résultats qu’une équipe d’analystes au travail durant un mois», estime Nicolas Dénervaud.
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