«L’offre faite vendredi dernier aux actionnaires d’Illumina est honnête et attrayante. Nous sommes déçus du refus préliminaire du conseil d’administration d’entrer en dialogue constructif, et c’est pourquoi nous nous adressons aujourd’hui directement aux actionnaires.» Severin Schwan, patron du groupe pharmaceutique Roche, a employé, mercredi à Bâle, un ton déterminé pour décrire le projet d’acquisition, pour 5,7 milliards de dollars, de l’entreprise américaine spécialisée dans le séquençage de l’ADN. Les dirigeants d’Illumina, société qui réalise un chiffre d’affaires annuel d’1 milliard de dollars, devront donner une réponse officielle à cette offre hostile dans moins d’une semaine. Les mesures de lutte ont déjà commencé de part et d’autre, alors que la société américaine a reporté la publication des résultats 2011 et annonce sur son site internet qu’il n’y a «aucun événement agendé» pour les investisseurs.

Cet attentisme, comparable à une guerre de tranchées, est émaillé de quelques salves. Mardi, Illumina demandait à ses actionnaires de ne «rien faire», après la proposition de Roche de modifier de fond en comble le conseil d’administration de la société américaine. Le groupe bâlois entend intervenir lors de la prochaine assemblée générale d’Illumina, dont la date n’est pas encore fixée, pour présenter six nouveaux administrateurs sur une liste A et cinq personnes à choix sur une liste B. Ces listes, qui comptent deux septuagénaires, comprennent des personnalités scientifiques, des économistes de la santé et des juristes. La proposition de Roche vise la fin du mandat de quatre administrateurs et leur remplacement par six «directeurs indépendants» en prenant une majorité de contrôle par extension du conseil d’administration.

Mesures de lutte

«Tous les membres du conseil, à l’exception du directeur général actionnaire, sont parfaitement indépendants», rétorque Illumina. L’entreprise américaine a également annoncé, comme mesure de lutte, la libération d’un capital-actions complémentaire sous forme d’options offertes aux actionnaires à titre de dividende.

Plusieurs responsables du laboratoire pharmaceutique bâlois parlent de ce projet d’acquisition au futur et non au conditionnel, ce qui indique leur confiance dans le succès final d’une opération qui ressemble à celle, longue mais fructueuse, lancée par Roche en 2007 contre l’entreprise américaine Ventana, spécialisée dans l’analyse de tissus. Aujourd’hui, ce segment d’affaires affiche une croissance annuelle de 15%.

«Dans quelques années, le séquençage de l’ADN coûtera quelque 1000 dollars et sera une technologie couramment utilisée», explique Pascal Soriot, responsable de la division pharmaceutique de Roche. Il reconnaît cependant que «les synergies à court terme avec Illumina seront moins fortes qu’avec Ventana dans le domaine de la médecine personnalisée».