Le roi et eux

La législation thaïlandaise ne permet pas d’aborder librement l’influence politique de la famille royale, en arrière-plan de la crise. Contestée, la loi sur le crime de lèse-majesté demeure en vigueur. Plusieurs activistes ont été arrêtés à ce titre, dont l’éditeur pro-Thaksin Somyot Pruekaksakasem, condamné, en janvier 2013, à 11 ans de prison.

Difficile, pourtant, d’éviter la question, tant la personnalité du monarque de 86 ans et la longueur de son règne (68 ans) sont au centre de l’échiquier du pouvoir. Difficile, surtout, de l’ignorer en Suisse romande, où Bhumibol et son frère aîné Ananda Mahidol (auquel il succéda après son décès accidentel à 21 ans, en juin 1946), grandirent durant la Seconde Guerre mondiale, éduqués à Pully par un précepteur vaudois, Cléon Seraïdaris.

Place centrale

Preuve de ces liens, le souverain avait reçu, en avril 2009 dans son palais de Hua Hin, une délégation de la Confrérie vigneronne du Guillon. Y figurait le journaliste Olivier Grivat, auteur d’Un Roi en Suisse (Ed. Favre). Une autre biographie des années lausannoises, récemment publiée, elle, en thaïlandais et en anglais avec le soutien de la maison royale, vient d’être écrite par le fils du précepteur des deux rois, Lysandre Seraïdaris (Ed. Slatkine).

Ces ouvrages n’abordent pas le rôle joué par le monarque dans les affrontements politiques thaïlandais, illustré en 1991 par sa fameuse médiation entre militaires et manifestants. Le fait que les protestataires antigouvernementaux mettent sans cesse en avant sa photo, démontre toutefois combien sa place est centrale. D’autant que sa santé fragile, et celle de la reine Sirikit, alimentent les spéculations sur sa succession.

Sous le manteau

Un réel tabou entoure ainsi le prince héritier, Maha Vajiralong­korn, appelé de plus en plus souvent par son père à le remplacer, mais beaucoup moins visible en public que l’une de ses sœurs, la princesse Sirindhorn, très impliquée sur le plan caritatif. Autre sujet sensible: la richesse supposée colossale de la couronne, que le magazine Forbes estime à 30 milliards de dollars.

Un long essai consacré au règne de l’austère, mais très populaire Bhumibol a été publié en 2006 en anglais, sous le titre The King Never Smiles («le roi ne sourit jamais»), Yale University Press. Diffusé sous le manteau en Thaïlande, l’ouvrage n’y est toujours pas autorisé.