Zone euro
Le gouvernement italien a tenu tête à Bruxelles mardi en refusant de réviser son projet de budget 2019. Ce dernier pourrait faire courir un risque bancaire pour la zone euro, dénoncent le FMI et l’UE

L’Italie a choisi le bras de fer avec la Commission européenne. A la suite du rejet de son budget 2019 à cause du manque de mesures contre l’endettement, le gouvernement italien devait lui soumettre jusqu’à mardi soir un projet révisé et qui respecterait le Pacte de stabilité et de croissance. Ce dernier est apparemment resté intransigeant, ouvrant la voie à des sanctions financières.
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Selon Sabrina Khanniche, économiste senior chez Pictet Asset Management à Genève, le potentiel de croissance en Italie est faible. «Le gouvernement propose des mesures de relance à court terme, dans l’espoir de donner une impulsion à la demande, analyse-t-elle. Le problème est que les conséquences à long terme d’une telle politique sont inconnues.»
L’Italie, ce cancre européen
L’économie italienne a bel et bien besoin d’une relance. Le produit intérieur brut (PIB) n’a toujours pas retrouvé son niveau d’avant-crise, il y a dix ans. Le revenu réel par habitant n’a pas bougé depuis vingt ans. Le chômage tourne autour de 10%. La productivité industrielle est parmi les plus basses en Europe, car les entreprises n’ont pas investi dans la recherche ou dans le renouvellement des équipements. Au sein de l’OCDE, le pays, tel un cancre, compte le plus grand nombre de jeunes qui décrochent de l’école à 15 ans.
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Dans cette même catégorie, l’Italie compte le moins grand nombre d’universitaires – 28% de jeunes entre 25 et 34 ans – contre par exemple 45% pour l’Espagne ou presque 50% pour la France. Et près de 25% de jeunes entre 15 et 34 ans sont sans emploi et sans apprentissage.
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Ce n’est pas tout. Selon le rapport «Facilité de faire des affaires» de la Banque mondiale, le pays se classe au 111e rang sur 190 pays. En Europe, il est parmi les derniers à attirer des investissements étrangers. Entre janvier 2003 et septembre 2018, il a attiré 100 milliards de dollars, contre un peu plus du double pour l’Allemagne et 500 milliards pour le Royaume-Uni. Enfin, il consacrera 4% de son PIB au service de la dette en 2020 et occupe dans cette catégorie la première place en Europe, devant la Grèce. L’endettement s’élève à 2300 milliards d’euros, soit 131% de son PIB.
Promesses électorales
La coalition gouvernementale au pouvoir formée de la Ligue du Nord (extrême droite) et du Mouvement 5 étoiles (souverainiste et populiste) défend les mesures qui respectent les promesses électorales. Notamment la baisse de l’âge de la retraite, un revenu minimum garanti et un revenu de citoyenneté. Selon elle, le projet de budget prévoit une croissance de 1,5% en 2019, ce qui engendrera la création d’emplois et la demande. Faux, répondent la Commission européenne mais aussi le Fonds monétaire international (FMI), qui a publié mardi sa propre évaluation de l’économie italienne. Ce dernier s’inquiète du niveau du déficit budgétaire et craint que la troisième économie de l’UE ne sombre dans une nouvelle récession.
Pour Sabrina Khanniche, les problèmes structurels qui freinent la croissance italienne sont avant tout ceux du marché du travail, car le pays compte désormais une population vieillissante et souffre d’un manque d’investissements. «La part des PME dans l’économie est significative, mais leur productivité est faible, fait-elle remarquer. Aujourd’hui, l’Italie ne peut pas concurrencer l’Amérique latine ou l’Asie.»
Les banques restent vulnérables
Désormais, la balle est dans le camp de la Commission. Celle-ci donnera son verdict le 21 novembre prochain, date à laquelle elle pourra lancer la procédure de déficit excessif (PDE). Celle-ci peut durer entre trois et six mois. Les sanctions pourraient coûter à l’Italie jusqu’à 0,3% de son PIB, soit 3,4 milliards d’euros.
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Le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, tout en affirmant que tous les Etats doivent se conformer aux règles de discipline budgétaire, a multiplié les appels à un compromis.
Sabrina Khanniche rappelle que 70% de la dette italienne est détenue par des acteurs domestiques, dont 28% figurent dans le portefeuille des banques italiennes qui, pour cette raison, sont vulnérables. «Pour le reste, les banques européennes, plus particulièrement françaises, sont très exposées. Ainsi le risque de contagion à la zone euro est réel», conclut-elle.