Ryanair se réinvente en misant sur la clientèle affaires, comme EasyJet
Transport aérien La compagnie irlandaise a plongé dans le rouge
Venant de la part d’un concurrent, on ne s’étonnera pas de la virulence du propos. «Le modèle d’affaires de Ryanair est cassé. Ils ne peuvent plus stimuler la demande en réduisant les tarifs», a déclaré récemment Christoph Mueller, patron de la compagnie irlandaise Aer Lingus. Au-delà de l’effet d’annonce, il semble pourtant que quelque chose soit brisé au sein de la compagnie irlandaise à bas coûts et leader européen.
C’est qu’il est tombé – comme prévu – dans les chiffres rouges au troisième trimestre de son exercice fiscal 2013-2014. Sur la période achevée fin décembre, Ryanair a accusé une perte après impôts de 35,2 millions d’euros, contre un bénéfice de 18,1 millions un an plus tôt, a indiqué lundi le groupe. «Notre perte est conforme à nos prévisions et est entièrement due à une baisse de 9% du prix moyen des tickets», a expliqué le directeur général de la compagnie, Michael O’Leary.
En octobre et en novembre, le transporteur avait lancé des prix d’appel débutant à 14,99 euros sur plus de 400 vols. Résultat: le nombre de passagers a progressé de 6% sur la période à 18,3 millions et la compagnie espère faire voler 81,5 millions de personnes sur l’année contre une précédente prévision de 81 millions. Pour le transporteur, qui ne dessert que Bâle en Suisse, il s’agit toutefois de sa pire perte depuis 2008. Alors que ses bénéfices sont presque montés jusqu’au ciel ces dernières années, le transporteur avait douché les investisseurs en 2013 avec deux avertissements sur ses résultats en septembre et en novembre, faisant chuter le cours de bourse, et suscitant bien des interrogations sur son modèle après des années de réussite insolente. Si la compagnie a confirmé sa prévision d’un bénéfice annuel compris entre 500 et 520 millions d’euros, elle n’en a pas moins admis qu’elle devait se réinventer.
Se rapprocher des capitales
Michael O’Leary ne va toutefois pas innover et a choisi de copier sa principale rivale, EasyJet. Ainsi, elle a multiplié les tentatives d’amélioration des services aux passagers. Elle alloue depuis le 1er février tous les sièges afin de rendre l’embarquement plus facile et de permettre aux membres d’une même famille d’être assis à côté dans l’avion. Mais à contre-courant de sa stratégie jusqu’ici, Ryanair va désormais s’attaquer au créneau de la clientèle «affaires». La première compagnie low cost européenne va en effet proposer de nouveaux services destinés aux voyages de groupes et d’affaires. Outre les sièges attribués, la compagnie va également offrir à ses passagers des billets flexibles et un accès rapide dans certains aéroports.
Ryanair a aussi décidé de briser un autre tabou, quand bien même il n’est pas question de renoncer au modèle à bas coûts qui a fait son identité. Elle ne boudera plus les aéroports «primaires», afin justement de séduire les passagers affaires. Jusqu’ici, elle privilégiait des sites secondaires éloignés des capitales et des grands centres, comme, en France, Carcassonne, Brive ou Dinard. La compagnie avait par exemple annoncé fin novembre l’ouverture d’une base à Bruxelles. Elle est en train d’en faire de même à Lisbonne, Athènes ou Rome. «Changer de stratégie est toujours risqué et va induire des coûts supplémentaires», a mis en garde Anand Date, analyste de Deutsche Bank. Surtout que le revirement de la compagnie irlandaise fait plus figure de nécessité que de choix. Sur ce point, EasyJet a déjà plusieurs longueurs d’avance, estiment les observateurs.