«Au rythme actuel, l'égalité salariale sera atteinte en 2133»
Genres
Le Forum économique mondial (WEF) publie jeudi matin une étude sur les écarts entre les genres. La Suisse a gagné trois rangs et se classe huitième.

Les femmes ont rattrapé le niveau de salaires des hommes au plan mondial. Enfin, presque. Elles sont en réalité arrivé au niveau de rémunérations des hommes en 2006. «Au rythme actuel, l'égalité salariale sera atteinte en 2133», prévient le Forum économique mondial (WEF) dans son rapport mondial 2015 sur l'écart entre les genres publié jeudi matin.
L'écart se resserre, selon l'étude, qui porte sur les domaines de la santé, de l'éducation, des opportunités économiques et de l'émancipation politique, mais de 4% seulement en 10 ans, souligne l'étude. «Le fossé économique évolue, mais lentement», explique Yasmina Bekhouche, l'une des auteurs du rapport. Au niveau mondial, l'égalité des salaires et la parité sur le marché du travail «stagne depuis la période 2009/2010», selon l'étude. La Suisse s'est hissée dans le top ten des nations les plus égalitaires (au huitième rang, grâce à un gain de trois places, sur 145), mais reste 38e en termes de participation au marché du travail et 47e en termes d'égalité salariale pour des emplois similaires. Les pays nordiques sont les mieux positionnés, même si aucun ne peut se prévaloir d'une égalité parfaite.
Coïncidence ou non, dans une étude publiée mercredi, Avenir Suisse a estimé que les différences salariales - l'écart moyen est de 19% - entre hommes et femmes seraient surtout dues à des décisions individuelles, comme le choix d'un temps partiel et un intérêt moindre pour les professions techniques. Et qu'il n'y a donc pas de discrimination. Une explication jugée réductrice par Yasmina Bekhouche: «il reste des inégalités que l'on ne peut expliquer autrement que par le fait que la personne est une femme ou un homme». Reste qu'en Suisse, 45,6% des femmes travaillent à temps partiel, contre 9,6% d'hommes. Or «cela peut avoir des conséquences dans une carrière, alors qu'il serait possible de penser à des moyens plus créatifs de mieux équilibrer la vie privée et professionnelle», estime la chercheuse.
Des quatre piliers, la santé est le domaine qui se rapproche le plus de la parité, avec une moyenne mondiale à 96%, et 40 pays qui atteignent l'égalité parfaite. Pourtant, la vigilance est de rigueur: c'est le seul domaine l'écart s'est creusé, même faiblement, au cours des dix dernières années, souligne Yasmina Bekhouche.
Dans le domaine de la formation, la moyenne mondiale s'établit à 95%, alors qu'elle était à 92% en 2006. L'égalité parfaite a été atteinte dans 25 pays. Pourtant, il existe une «absence claire de corrélation entre l'accès d'un plus grand nombre de femmes à l'éducation et les capacités de celles-ci à gagner leur vie, en particulier à des postes qualifiés ou de direction», souligne le WEF. Au contraire: «Alors que les femmes représentent la majorité de la population étudiante inscrite à l'université dans 97 pays, elles n'occupent la majorité des postes qualifiés que dans 68 pays et la majorité des postes de direction dans seulement... 4 pays», souligne le rapport.
Le pays est en revanche nettement mieux positionné lorsqu'il s'agit de représentation politique, au 18e rang. C'est ce domaine où les écarts sont les plus «criants». Pourtant, explique Yasmina Bekhouche, c'est là aussi que les choses changent le plus rapidement. «Parfois même du jour au lendemain, comme au Canada, où le nouveau premier ministre a voulu avoir une égalité parfaite parmi ses ministres.»
Faut-il instaurer des quotas? Le WEF n'y est pas opposé: «Des quotas bien mis en place, pour une durée limitée, de façon graduelle pour éviter des candidatures alibis, peuvent avoir un effet positif», explique la chercheuse. De manière générale, elle encourage les gouvernements et les entreprises à dialoguer pour trouver des solutions à même de réduire les inégalités. «On peut penser qu'un long congé maternité est une mesure favorable pour les femmes, alors que cela peut inciter les employeurs à éviter des candidats qui sont en âge d'avoir des enfants. Alors qu'un congé paternité peut en réalité aider à obtenir une plus grande égalité», explique Yasmina Bekhouche.